Vidéo & interview exclusive - soutien au chef RAONI : JACQUES PERRIN
En partenariat avec le site www.culturclub.com Producteur émérite de Microcosmos, Le Peuple migrateur ou encore Océans, acteur renommé du Crabe Tambour et de bons nombre de classiques, Jacques Perrin sait qui est le Chef Raoni depuis bien longtemps. Il est en effet le narrateur du film documentaire-fiction Raoni de J.-P. Dutilleux, sorti en 1977 sur les écrans français. Il a, bien entendu, signé la pétition de Raoni contre le barrage de Belo Monte. Nous vous proposons, un court extrait d'un entretien vidéo exclusif, ainsi que sa transcription écrite intégrale.
JACQUES PERRIN parle du Chef RAONI - Interview exclusive
Jacques Perrin, comme vous le savez peut-être, lorsque le Chef Raoni était jeune, il n'avait pas conscience du monde extérieur et de notre civilisation. En l'espace d'une vie il a dû basculer de sa vie tribale isolée du monde extérieur à notre monde très agressif et contre lequel il doit se protéger. Nous soutenons évidemment son combat et le message qu'il veut porter. Comment êtes vous entré dans l'univers de Raoni ?
Je ne connais Raoni qu'à travers les publications, la presse, je ne l'ai jamais rencontré. Je trouve cependant étonnant que l'état naturel est de vivre en harmonie avec son milieu, avec son environnement, avec l'expression de la nature, de ces arbres, de cette jungle : l'Amazonie. Il mène une existence tout a fait naturelle et vient voir des choses qui se sont bâties et qui de temps en temps revêtent une apparence un peu agressive. Les murs de béton, les cités, les moyens de locomotions, les passerelles sur les autoroutes sont des inventions pratiques mais elles défigurent la nature. D'une certaine façon cela transforme complètement le visage de ce que devrait avoir un territoire sauvage.
Nous les occidentaux, regardons Raoni comme un personnage bizarre, étrange, dont le visage est dissimulé par cet espèce de plateau dans la bouche et qui se déplace à moitié nu. Nous le voyons tous à l'état naturel. À l'inverse, il parcourt nos cités et apporte un personnage. Mais il n'est pas ébloui par les voitures qui amènent la pollution, il n'est pas ébloui par tous ce qui nous paraît complètement normal. Ce qui est anormal dans la façon dont nous vivons, lui regarde cela sans velléité, ni étonnement. C'est le contraste entre quelqu'un qui est tout à fait naturel et passe par nos habitations, nos cités d'une façon un peu indifférente et notre civilisation. Nous devrions toujours conserver cet état naturel alors que nous trouvons Raoni étrange. Au final, nous sommes les personnes bizarres. Cela me touche car dans les reportages il est formidable, il n'est ni singe ni un personnage extravagant, il est naturel. La nature est extraordinaire, pour nous aujourd'hui cela signifie quelque chose d'inhabituel.
- Jacques Perrin, acteur, producteur, signataire de la pétition du Chef Raoni -
Vous l'avez en effet bien résumé, on a l'impression quelques fois que la nature s'adresse à nous par le biais de cet homme et cela revêt une toute autre portée. C'est pourquoi il me semble être un personnage important.
Absolument.
Vous avez effectué le commentaire du film Raoni, personnage complètement inconnu à cette époque. La version américaine du film s'ouvrait par une séquence montrant Marlon Brando devant le Capitole. Pourquoi avoir accepté de commenter le film ?
Je ne peux pas dire exactement ce qui m'a séduit dans ce film... Le commentaire d'un film correspond à un jeu d'acteur. C'est être solitaire 3 heures et ce n'est vraiment pas grand chose par rapport aux mois passés et à la volonté de faire apparaître la nature profonde de ce beau personnage. J'ai comme on dit prêté ma voix mais c'est vraiment peu.
Ce qui est très beau, exemplaire et normal, est de nous rappeler à nos vérités premières, nos vérités qui étaient de vivre encore une fois dans l'environnement naturel. Il est très difficile de vivre en harmonie avec notre milieu. Je suis par exemple en train de vous parler face à une sonnette et du béton, ce n'est pas simple.
Vos œuvres prouvent votre proximité avec à la nature. En quoi la lutte contre la déforestation en Amazonie vous paraît importante, parmi beaucoup d'autres, dont les océans, magnifiquement illustrés dans votre dernier film ?
Cela me paraît bien sur important et navrant, d'autant plus que le drame des océans est plus grave d'une certaine façon, bien que tout cela soit relatif. La mer est toujours belle et bleue, il y a toujours le voile de la surface. On peut toujours dire en arrivant auprès de n'importe quelle côte qu'elle est belle et bleue, sauf pollution apparente. Enfin même cela, la mer fait semblant de la digérer. Quand on survole l'Amazonie en avion, on peut constater les saignées, les meurtrissures, les plaies, toutes ces allées et tranchées créées par l'homme. On se dit que c'est épouvantable, mais c'est un drame visible pour lequel personne ne fait rien. Au contraire, les désastres maritimes et océaniques sont imperceptibles, alors on agit encore moins. Le film Raoni m'avait permis de rencontrer deux personnes qui m'avaient touché, il s'agissait de deux brésiliens dont l'un est encore vivant il me semble, les frères Villas-Boas.
Ils sont malheureusement tous morts maintenant.
Ils ont dédié toute leur vie à la nature et pas simplement celle lointaine, parce que l'on habite tous la même Terre. Ils sont nés là bas et ils ont consacré leur existence entière à un territoire qu'ils partageaient avec des centaines, des milliers de personnes. C'est admirable.
Ce sont des hommes extraordinaires. Moi qui étais sur place récemment, j'ai compris en discutant avec les indiens que s'ils n'avaient pas été là, cette zone (parc indigène du Xingu), malheureusement, n'existerait même plus. Les indiens ont eu de la chance d'avoir rencontré ces frères, des hommes vraiment exceptionnels qui les ont quelque part formé, protégé. Ils leur ont raconté le monde qu'ils ne connaissaient pas encore en leur expliquant la façon de s'en protéger et de combattre, certainement pas en massacrant les blancs qui venaient sur leur terre, mais avec d'autres moyens.
Ils ont eu la chance qu'il existe des gens extraordinaires... qui retombent dans l'anonymat absolu pour la plus grande partie du public. Ils dédient leur vie à des opérations locales qui sont absolument essentielles, c'est ce que montre parfois dans son film Home Yann Arthus-Bertrand.