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Quel est le rapport entre l’évêque du Xingu et l’Encyclique du Pape François sur l’Environnement ?

Quel est le rapport entre l’évêque du Xingu et l’Encyclique du Pape François sur l’Environnement ?

Fonte: prelaziadoxingu.com.br
L’encyclique sur l’Environnement du Pape François constitue une déclaration sans précédent dans l’histoire de l’Église catholique. Une fois de plus, le premier Pape sud-américain oblige la communauté internationale à écouter ce que bien peu de chefs d’États, si ce n’est aucun d’entre eux, ont jamais eu le courage de dire ou l’indépendance d’esprit de formuler. Même au sein de la mouvance écologiste, s’attaquer aux problématiques environnementales et aux inégalités sociales sur fond de posture anticapitaliste est l’apanage de rares organisations du secteur.

Ce qui est intéressant, c’est que le document n’a pas été diffusé depuis le Vatican. Le Pape François a cherché parmi les évêques de continents marginalisés le soutien nécessaire pour le faire. Parmi eux, un « autrichien noir », qui a choisi de défendre l’Amazonie et d’y vivre depuis les années 60, outre la question indigène pour laquelle il s’était engagé, et qui figure parmi ceux que le Pape a choisis pour collaborer à cette encyclique sur l’environnement destinée à l’opinion publique du monde entier.

Évêque du Xingu, habitant d’Altamira (Para) et président du Conseil Indigéniste Missionnaire (CIMI), Dom Erwin Kräutler était avec le pape, au cours d’une entrevue privée, au début du mois d’avril de cette année. Avec l’Évêque se trouvait le père Paulo Suess, assistant en théologie au CIMI. À cette occasion, Dom Erwin alerta le pape sur la destruction en cours de la forêt amazonienne et l’informa des attaques subies par les peuples indigènes. « Je l’ai informé du fait que les peuples indigènes ne pourraient survivre physiquement et culturellement que s’il avaient la possibilité de demeurer dans leur habitat traditionnel, aujourd’hui menacé par les grands projets gouvernementaux, par les entreprises minières et forestières, et par l’industrie agro-alimentaire », raconte Dom Erwin.

Le Pape François, attentif aux paroles de l’Évêque, lui a confié qu’il était en train de préparer une encyclique sur l’écologie, à laquelle il l’a rapidement invité à collaborer. « Le Pape m’a alors demandé de l’appuyer dans sa démarche par une contribution allant dans ce sens, ce que je fis immédiatement après mon retour au Brésil. En lisant aujourd’hui l’Encyclique, je vois dans un certain nombre de documents que le pape a réellement tenu compte de nos préoccupations et de nos inquiétudes » explique l’Évêque du Xingu.

Au mois de septembre prochain, Dom Erwin terminera son second mandat consécutif en tant que président du CIMI et il ne pourra pas être réélu. Pendant l’élaboration de la Constitution par l’Assemblée Nationale Constitutive (installée au sein du Congrès National), entre 1987 et 1988, Dom Erwin était le président du CIMI. A cette occasion, il a subi d’innombrables attentats en raison de son action dans le Xingu. En tant que défenseur de l’Amazonie, il a même été emprisonné et sa mise en détention arbitraire fut dénoncée, via un réseau national, dans tout le pays. L’histoire de Dom Erwin s’inscrit dans les cinquante-cinq dernières années de résistance populaire des peuples indigènes et des communautés traditionnelles d’Amazonie, contre les grandes entreprises et toutes sortes d’atteintes à leurs droits comme le morcellement des terres par l’installation de clôtures, les assassinats par armes à feu, l’exploitation minière, l’extraction de bois, la mise en esclavage ou l’exploitation sexuelle, depuis l’époque de la dictature militaire (en 1964, NDT). Pendant cette période, Dom Erwin a perdu des compagnes et des compagnons de lutte, comme la sœur Dorothy Stang (religieuse catholique assassinée le 12 février 2005 par deux tueurs à gages, NDT).

Voici les grandes lignes de l’interview de Dom Erwin à propos de l’Encyclique sur l’Environnement du Pape François : 

Pourquoi le Pape François a-t-il décidé de diffuser une encyclique sur l’environnement, ce qui est sans précédent pour l’Église Catholique ? Qu’est-ce qui vous paraît le plus important dans ce document ?

Au cours des dernières décennies, le Pape a fait ponctuellement quelques déclarations sur des thèmes environnementaux. Le premier Pape qui a explicitement fait référence à la question de l’environnement fut le Pape Paul VI, quand le 16 novembre 1970, il adressa un message à la FAO à l’occasion du 25e anniversaire de cette institution : « Pendant des milliers d’années l’homme a cherché à soumettre la nature et dominer la terre (…). Aujourd’hui peut-être est-il temps pour lui de dominer son propre désir de domination ? ». Jean-Paul II et Benoît XVI insistaient sur la responsabilité de l’homme à l’égard de l’environnement. Je cite le Pape Jean-Paul II dans son encyclique Sollicitudo Rei Socialis (Les préoccupations sociales de l’Église, NDT) de 1987 : « Les utiliser (les ressources naturelles) comme si elles étaient inépuisables, par une domination totale, peut gravement mettre en péril leur disponibilité non seulement pour les générations actuelles, mais surtout pour les générations futures » (N 34). Le Pape Paul VI a rédigé sept Encycliques, Jean-Paul II quatorze et Benoît XVI trois. Les trois Papes adressèrent par ailleurs de nombreux messages aux Évêques et aux fidèles de l’Église Catholique, ainsi qu’à « toutes les personnes de bonne volonté », mais jamais ils n’ont consacré aucun document au seul thème de l’environnement. Il était donc temps pour l’Église Catholique de s’exprimer officiellement sur le sujet, qui concerne toute l’humanité au-delà de toutes les frontières et toutes les confessions.

Le Pape François écrit également ceci : « Nous avons besoin d’un débat qui nous réunisse tous, car le défi environnemental auquel nous sommes confrontés ainsi que ses racines humaines nous concernent tous et ont impact sur nous tous » (LS 14). 

La presse internationale ironise sur le fait que le Pape devrait inaugurer un 11ème commandement : « Tu ne pollueras point ». Et également sur le fait qu’il attribue les problèmes environnementaux à l’accumulation des richesses et à la voracité du Capital. Quel impact l’encyclique peut-elle avoir dans la communauté internationale et au niveau de l’Église elle-même ?

Il n’est pas besoin d’un nouveau commandement. Le cinquième commandement « Tu ne tueras point », s’applique déjà aux fautes commises contre l’environnement, par le mépris de la création que Dieu nous a laissée comme demeure, par le feu et la destruction des forêts, l’empoisonnement des sols avec les agro-toxiques et les pesticides qui polluent nos aliments, par la pollution des rivières, des mers et des lacs, par l’air que nous rendons irrespirable en raison des émanations gazeuses toxiques des usines et des décharges, nous sommes en train de compromettre gravement la vie sur notre planète et la survie dans un environnement sain des enfants et des petits-enfants de notre génération, qui semble se comporter comme si elle était la dernière. C’est dans ce sens que le Pape s’adresse à nous avec la plus grande clarté : « L’environnement est un bien collectif, le patrimoine de toute l’humanité et placé sous la responsabilité de tous. La partie que l’un possède, il se doit de la gérer pour le bien de tous. Si nous ne le faisons pas, nous chargeons notre conscience du poids de la négation de l’existence d’autrui. Ainsi, les Évêques de Nouvelle Zélande se demandaient quel sens pouvait avoir le commandement « Tu ne tueras point », quand 20% de la population mondiale consomment les ressources à un point tel qu’ils volent aux nations pauvres et aux générations futures ce dont ils ont besoin pour leur propre survie » (LS 95).

On sait que le Pape vous a personnellement invité à lui rendre visite au Vatican, pour contribuer à l’élaboration de l’encyclique. Pouvez-vous préciser ce que vous avez apporté à ce texte ? 

Je considère comme un grand privilège que le Pape François m’ait accordé une audience particulière le 4 avril 2014. Je le dois d’une certaine manière au Cardinal Claudio Hummes, Président de la Commission Épiscopale pour l’Amazonie dont je suis le secrétaire. Il m’a incité à solliciter cette entrevue dans le cadre de ma fonction et en qualité de président du CIMI. Durant les premières minutes de l’entrevue le père Paulo Suess, assistant théologique du CIMI, était également présent, et il a pu présenter au pape son « Dictionnaire d’Evangelii gaudium. 50 mots-clefs pour une lecture pastorale ». Ce furent 20 minutes inoubliables. Le Pape paraissait avoir tout son temps. Il fut très cordial et fraternel. Je lui ai décrit la réalité de l’Amazonie et des conditions dans lesquelles vivent ses peuples. Je me suis tout d’abord référé à nos communautés et lui ai rapporté qu’en raison de la rareté des prêtres ordonnés elles n’ont accès à l’eucharistie que de rares fois dans l’année. J’ai parlé des peuples indigènes et lui ai remis un message du CIMI rédigé antérieurement, attirant son attention sur les divers points du document. Je lui ai dit que les peuples indigènes ne pourraient survivre physiquement et culturellement que s’ils pouvaient se maintenir dans leur habitat traditionnel, aujourd’hui menacé par les grands projets gouvernementaux, l’exploitation minière et forestière, et le commerce agro-alimentaire. Et là, le Pape m’a annoncé qu’il projetait d’écrire une encyclique sur l’Ecologie et qu’il avait déjà chargé le Cardinal africain Peter K.A. Turkson, président du Conseil Pontifical Justice et Paix, d’en réaliser une ébauche. J’ai alors insisté sur le fait qu’un document d’une telle importance ne pouvait manquer d’inclure une évocation précise de la question amazonienne et des peuples indigènes. C’est alors que le Pape a sollicité ma collaboration et m’a demandé d’envoyer au Cardinal une contribution dans ce sens, ce que je fis immédiatement après mon retour au Brésil. En lisant aujourd’hui l’Encyclique je me trouve face à plusieurs numéros du document dans lesquels le Pape a tenu compte de nos inquiétudes, qu’il a réellement assumées comme étant aussi les siennes. A titre d’exemple, je citerai seulement deux numéros dans lesquels les sujets que nous avons soulignés sont évoqués très clairement :

Le numéro 38 se réfère explicitement à l’Amazonie :

« Mentionnons, par exemple, les poumons de la planète riches de biodiversité que sont l’Amazonie et le bassin-versant du Congo, ou encore les grandes nappes phréatiques et les glaciers. L’importance de ces lieux, pour l’ensemble de la planète et pour l’avenir de l’humanité, ne peut être ignorée. Les écosystèmes des forêts tropicales recèlent une biodiversité d’une immense complexité, pratiquement impossible à connaître dans son intégralité. Mais quand ces forêts sont brûlées ou abattues au profit de l’agriculture, elles perdent en très peu de temps d’innombrables espèces, et les zones concernées se transforment en déserts arides. Toutefois, aborder ce sujet des forêts est un exercice difficile, car il est impossible d’ignorer par ailleurs les gigantesques intérêts économiques internationaux qui, sous prétexte de les protéger, peuvent porter atteinte aux souverainetés nationales. En effet, il existe des « propositions d’internationalisation de l’Amazonie qui ne servent que les intérêts économiques des multinationales ». Il faut reconnaître le travail des organismes internationaux et des organisations de la société civile, qui sensibilisent les populations et apportent leur contribution critique, y compris par des moyens de pression légaux, afin que chaque gouvernement assume la responsabilité qui est la sienne et ne se décharge pas de la préservation de l’environnement et des ressources naturelles de son pays en les vendant à de faux intérêts locaux ou internationaux » (LS 38).

Et le numéro 146 aborde la question indigène conformément à la façon dont nous la connaissons et la vivons au Brésil :

“Il est indispensable de prêter une attention particulière aux communautés aborigènes et à leurs traditions culturelles. Elles ne constituent pas seulement une minorité parmi d’autres, mais elles doivent également devenir des interlocuteurs majeurs, en particulier lorsque de grands projets qui affectent leurs territoires sont envisagés. En effet, pour ces communautés, la terre n’est pas un bien économique, mais un don gratuit de Dieu et des ancêtres qui y reposent, un espace sacré avec lequel ils ont besoin d’interagir pour conserver leur identité et leurs valeurs. Ces peuples, lorsqu’ils demeurent sur leurs territoires, sont ceux qui les protègent le mieux. Dans plusieurs régions du monde, toutefois, ils font l’objet de pressions pour les contraindre à abandonner leurs terres et pour qu’ils laissent le champ libre à des projets d’extraction ou de mise en culture qui ne tiennent compte ni de la dégradation de la nature ni de leur culture » (LS 146).

Qu’est-ce que Dilma Roussef pourrait apprendre de la nouvelle encyclique du Pape François ?

J’ignore si la présidente Dilma lira cette Lettre du Pape. Je lui recommanderais de la lire et d’y réfléchir avec la plus grande attention. Il serait très important que non seulement elle, mais aussi tous les membres du Gouvernement, du Congrès national et du Tribunal fédéral suprême, s’intéressent à son contenu si important également pour notre pays. Il est temps pour le Brésil de changer de paradigme en ce qui concerne le type de développement et de progrès qu’il veut pour le pays et dont il fait actuellement une promotion effrénée. Ses agressions éhontées envers l’environnement sont des coups de fusil qu’il se tire dans le pied. Il y a bien longtemps que la nature gémit. Les catastrophes naturelles sont légion : sécheresses, rareté de l’eau, crues et inondations sont sans doute les conséquences des mauvais traitement que la nature subit depuis des décennies. Les scientifiques alertent depuis longtemps sur les causes de ces phénomènes. Si l’on pense au rôle de l’Amazonie comme régulateur du climat mondial, il est temps pour le Brésil de se réveiller et de se rendre compte de l’immense responsabilité qui est la sienne vis-à-vis de notre planète.


© Prelaxia do Xingu - traduit par Alexandra Gobert / article original

Date de l'article : 23/06/2015

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