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La tragédie du peuple Guarani-Kaiowá (relatée par le magazine brésilien Epoca)

La tragédie du peuple Guarani-Kaiowá (relatée par le magazine brésilien Epoca)

Cette œuvre du dessinateur de presse brésilien Carlos Latuff montrant un indigène empalé sur le piquet d’une clôture annonçant « propriété de l’agro-négoce » résume à elle seule la situation du peuple Guarani-Kaiowá.

Le magazine brésilien Epoca a mis récemment en lumière le dramatique destin du peuple Guarani-Kaiowá et l'on croit revivre les heures les plus sombres de la conquête de l'Ouest nord-américain. Le 21e siècle n'a rien à envier en cruauté à ses prédécesseurs...

  • Entre 1915 et 1928, en ignorant le mode de vie de la communauté Guarani Kaiowá, le Service de Protection des Indiens (SPI), remplacé ensuite par la FUNAI, a délimité huit petites réserves au sud de l'état. Il a été estimé que ces espaces seraient suffisants pour accueillir différentes ethnies indiennes et des communautés familiales disséminées dans toute la région. Les huit réserves additionnées totalisent 18 000 hectares. « Ils ont mélangé différentes communautés, éloigné certaines autres de leurs territoires sacrés, les Tekohas (lieux où naître et mourir dans la culture guarani). Cela a causé et continue de générer de nombreux conflits entre les indiens eux-mêmes », explique l'anthropologue Lucia Helena Rangel, professeure à l'Université Pontificale Catholique de São Paulo.
  • À l'intérieur de ces huit réserves, le SPI a imposé des règles de conduite militaire, créé des milices indigènes, soutenu des missions évangéliques et favorisé les indiens de l'ethnie Terena, au détriment des Guarani Kaiowá , dans la distribution de lots et la hiérarchie des institutions.
  • Plutôt que d'essayer d'assimiler les indiens, le gouvernement a décidé de coloniser la région, en encourageant la migration de paysans d'autres états au moyen d'amples distributions de titres de propriété. Cette politique, commencée après la guerre du Paraguay vers la fin du XIXe siècle, gagna en puissance au cours du premier gouvernement de Getúlio Vargas (1930-1945), des lots de 30 hectares ayant été largement distribués. Une grande partie de la réforme agraire a été faite sur des territoires traditionnellement occupés par des indiens.
  • Contrairement à ce qui se passe dans le nord, où beaucoup de terres ont été occupées, les agriculteurs (exploitants agricoles) de la région du Douro ont des titres légitimes de propriété. C'est sur cet état de fait que repose la pierre angulaire de la défense des agriculteurs, même les militants les plus aguerris de la cause indigène ne peuvent le remettre en cause. « Les propriétaires ont des titres ici, dont certains vieux de plusieurs siècles », a déclaré Eduardo Riedel, président de la Federação da Agricultura e Pecuaria do Mato Grosso do Sul (Famasul).
  • Tous les Guarani Kaiowá n'avaient pas été déplacés dans les huit réserves. Beaucoup, sont restés dans les bois, ont cohabité avec et reçu les faveurs de petits propriétaires terriens. « Entre les années 1950 et 1980, lors de l'implantation des exploitations agricoles, plusieurs indiens Guarani Kaiowá ont travaillé au défrichement des forêts de la région où ils habitaient », écrit l'anthropologue Tonico Benites, un des rares indiens Guarani Kaiowá ayant eu accès à l'enseignement supérieur et qui suit aujourd'hui un doctorat à l'Université fédérale de Rio de Janeiro.
  • Au cours des deux dernières décennies, tout a changé. Avec la déforestation généralisée, le gigantisme des propriétés et la mécanisation, les indiens qui vivaient encore dans la forêt ont été repoussés au fin fond des exploitations agricoles ou forcés de rejoindre l'une des huit réserves, qui étaient alors déjà surpeuplées.
  • Une étude citée par les anthropologues donne une idée de la transformation brutale qui s'est produite dans la région ces dernières décennies. Dans les années 1970, dans la ville de Ponta Pora, à la frontière avec le Paraguay, il y avait environ 450 exploitations forestières en activité. Aujourd'hui, il y en a deux. L'activité a pratiquement cessé d'exister, parce qu’il n’y a plus de forêt à couper. Quiconque parcourt les routes de la région peut observer des kilomètres et des kilomètres sans relief de plantations de soja, de canne à sucre et de pâturages, ponctués seulement par de petites touffes de forêt (qui correspondent à la réserve légale de 20% que toute propriété agricole doit respecter).
  • Plusieurs familles qui avaient peur de se rendre dans les réserves ou qui ne souhaitaient pas s'éloigner trop de leurs secteurs habituels, ont commencé à mettre en place des camps en bordure des routes. Ce sont les endroits où la pauvreté est la plus évidente.
  • D'autres ont décidé de retourner sur leurs terres traditionnelles. « Ceux qui ne supportent pas de rester confinés sur les accotements de l'autoroute ou dans une réserve surpeuplée essaient de réoccuper leur Tekoha », explique le politologue du CIMI, Egon Heck. Ceux qui tentent de réintégrer le peu qu’il reste de forêt sur les exploitations agricoles sont traités comme des envahisseurs par les propriétaires terriens. C'est le cas de la communauté Laranjeira Nhanderu, qui jusqu'à récemment campait encore dans un fossé de la BR-163. Suite à la mort de deux enfants causée par la malnutrition, celle de deux autres renversés par des véhicules, et deux suicides, le groupe, composé de 100 Indiens, a traversé prés d’1 kilomètre de plantation de soja pour atteindre la forêt où ils tentent de s'organiser.

 

- Faits et données -

Démographie, localisation, densité…

  • Dispersée entre Dourados et un peu plus de 20 municipalités des alentours, c'est la plus importante population indigène, parmi les 220 groupes ethniques connus.
  • 45.000 personnes résident dans la périphérie des villes de taille moyenne, dans certaines exploitations agricoles productrices de graines de soja ou de canne à sucre, dans des tentes de fortune, sur le bord des routes et dans des espaces délimités qui, additionnés entre eux, totalisent 42 000 hectares.
  • Si tous les Guarani Kaiowá étaient concentrés en un seul endroit, cette ville indigène aurait une population 89% supérieure à celle des municipalités brésiliennes (source : Epoca Brésil).

 

Exposition du cas Guarani-Kaiowa

  • En plus du CIMI, du MPF et des anthropologues, la tragédie de cette population a déjà été dénoncée par diverses organisations internationales, comme l'ONU et Amnesty International.
  • Le cas des Guarani Kaiowa n’est pas inconnu des autorités brésiliennes. Peu de temps après avoir quitté le Ministère de l'Environnement, la sénatrice Marina Silva (PV-CA) a envoyé une lettre au président Lula l'avertissant de la « pire crise humanitaire » dans la région. Toute aussi catégorique était la procureure générale adjointe de la République Deborah Duprat. Elle a qualifié la situation comme étant « la plus grande tragédie connue dans la question indigène dans le monde entier. »

 

Assassinés, poussés au suicide, Guarani-Kaiowá, le lent génocide :

  • Avec la seconde population autochtone du pays, le Mato Grosso du Sud est l'Etat où l'on compte le plus de meurtres d'indiens. Ces huit dernières années, 250 meurtres de personnes indigènes ont été commis dans l'Etat, comparativement à 202 dans le reste du Brésil. Presque toutes les victimes étaient des indiens Guarani Kaiowá.
  • Entre 2003 et 2010, 83% des suicides ont été commis par les indiens de cette communauté (176 cas, comparativement à 30 dans le reste du Brésil). Dans l'histoire récente de ce peuple, on signale également des suicides parmi les enfants, ce qui est une chose fort rare en tout lieu.

 

L’espérance de vie des Guarani-Kaiowá :

  • Bien qu'il vive dans une situation de guerre, un petit irakien né aujourd'hui vivra 14 années de plus qu'un enfant Guarani Kaiowá. Un bébé haïtien, lui, vivra 16 années supplémentaires.
  • Pour ce qui est des adultes, leur espérance de vie, elle, ne dépasse pas les 45 ans, comme c’est le cas en Afghanistan, alors même que les Brésiliens en général ont une espérance de vie de 73 ans.
  • En 2005, la malnutrition provoqua une hécatombe chez les enfants. Depuis, pour masquer ce manque, le gouvernement distribue des bons alimentaires. La FUNAI estime que 80% des Guarani Kaiowá en dépendent pour leur survie.
  • La mortalité infantile est de 38 décès pour 1.000 naissances, comparativement à une moyenne de 25 dans le reste du Brésil.

© Epoca

Date de l'article : 20/07/2015

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