Belo Monte :
pétition du Cacique Raoni

A ce jour 502905 signatures.

Vérifier la validité de votre signature




Actualités

Le choix des sponsors de la COP21 reflète les incohérences du gouvernement en matière de protection de l’environnement

Le choix des sponsors de la COP21 reflète les incohérences du gouvernement en matière de protection de l’environnement

GDF-Suez, une vision particulière de la responsabilité environnementale

Le 27 mai 2015, Laurent Fabius, Ministre des Affaires Étrangères, a dévoilé la liste attendue des vingt premières entreprises participant au financement de la COP21. La France accueillera au Bourget du 30 novembre au 11 décembre 2015 plus de 180 chefs États parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, dans une optique d’aboutir à un accord international sur le climat pour maintenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C, et dont l’entrée en vigueur est prévue pour 2020.

Le gouvernement français avait lancé un appel au financement (avec l’aval des Nations Unies) auprès d’entreprises françaises afin d’obtenir au moins 20% de financement externe. Si le secrétariat général de la COP21 prévoyait initialement un budget disponible de 165 millions d’euros, le gouvernement français semble compter sur un budget s’approchant aujourd’hui davantage des 187 millions d’euros, d’où une nécessité d’autant plus forte d’obtenir un financement externe.

La participation des vingt premières entreprises annoncées que sont les assureurs Axa, la Caisse centrale de réassurance, Generali, BNP Paribas, la Caisse des dépôts et consignations, Suez Environnement, le Syndicat des eaux d’Ile-de-France, Derichebourg, EDF, ERDF et Engie (anciennement GDF-Suez), Air France, Galeries Lafayette, Ikea, JCDecaux, LVMH, Michelin, La Poste, Renault Nissan, et ACI, devrait leur permettre de bénéficier du logo « Partenaire officiel Paris 2015 » pendant un an.

Il semblerait que l’attribution d’un tel label pose un risque, dénoncé par de nombreuses ONG, de permettre à ces entreprises de masquer leurs activités nuisibles à l’environnement par une opération de greenwashing. 

Plusieurs ONG environnementales (Les Amis de la Terre, Attac France, le Corporate Europe Observatory, WECF et 350.org) se sont d’ailleurs mobilisées en réaction à cette annonce par un communiqué commun, par lequel elles déclarent que « la liste des mécènes de la 21° Conférence de l’ONU sur le climat (…) comprend des multinationales françaises qui ne sont pas compatibles avec le climat ».

Selon Malika Peyraut des Amis de la Terre, « La majorité des entreprises choisies émettent massivement des gaz à effet de serre, responsables du changement climatique, comme EDF ou Engie dont les émissions provoquées par leurs centrales à charbon équivalent à elles seules à près de la moitié des émissions de la France ». Maxime Combes (Attac France), lui aussi, s’interroge : « Confierait-on la lutte contre le tabagisme aux cigarettiers ? Pourquoi le fait-on alors pour le climat ? ».

« Les partenaires sont là parce que leur activité est compatible avec un haut niveau d’exigence environnementale » défend Laurent Fabius. Selon lui, « toutes ces entreprises sont les amies du climat ». Elles « s'engagent véritablement pour le climat » ajoute-t-il, car tandis qu’« il y a eu un certain nombre d'entreprises qui ont été acceptées, un certain nombre d'autres (…) ont été refusées, et il faut bien veiller – ce qui est le cas – à ce que ces entreprises, non seulement n'aient pas d'effet négatif, mais s'engagent véritablement pour le climat » insiste-t-il lors d’un passage chez France Inter ce 28 mai 2015.

Pourtant, selon Célia Gautier du Réseau Action Climat, « ce qui est frappant, c’est que le gouvernement n’a pas du tout choisi les acteurs de la transition ». En effet, « il n’y a pas a priori d’exclusion. Les portes ne sont pas fermées », indique Pierre-Henri Guignard, Secrétaire Général à l’Organisation de la COP21, si ce n’est par « une analyse de leur rapport RSE et leur réputation en matière de développement durable », et un « dialogue privilégié avec les entreprises qui adhèrent au “global compact” (pacte international non-contraignant chapeauté par les Nations Unies, auquel les entreprises peuvent volontairement devenir parties en s’engageant à rendre des rapports annuels sur leurs initiatives soi-disant favorables à l’environnement). Il ajoute enfin qu’ « en réalité, la participation au mécénat de la COP21 constitue un gage d’être une entreprise exemplaire dans son domaine d’activité, d’être à l’écoute de la société civile et d’être en capacité de justifier à long terme ses choix environnementaux notamment en matière de lutte contre le changement climatique ». Ces mesures de contrôle et de vérification de l’impact environnemental des entreprises souhaitant participer au financement de la COP21 semblent en conséquence bien légères. Il en résulte que « la COP21 sera financée par des champions de la pollution », déclare Armelle Le Comte, responsable du plaidoyer climat à Oxfam.

Ces éléments sont toutefois en décalage avec la participation récente d’EDF au financement de barrages hydroélectriques, aux conséquences environnementales désastreuses. Il est alors difficile d’imaginer comment les négociations durant la COP21 pourraient aller dans le sens d’une amélioration du traitement des forêts en Amazonie, lorsque deux des vingt mécènes de la COP21 sont eux-mêmes actionnaires de barrages majeurs et controversés, à l’impact dramatique sur l’écosystème en Amazonie. EDF est non seulement actionnaire du consortium chargé du barrage du Petit Saut en Guyane, construit en Amazonie française, mais également de 51% des parts du consortium en charge de la construction du barrage de Sinop (comme annoncé par le journal officiel brésilien en septembre 2014), et des barrages de São Luiz do Tapajós et de Jatobá.

Il est désormais de notoriété publique que des entreprises telles que GDF-Suez (ENGIE), Alstom, et EDF participent à de tels projets, aux conséquences graves et irréversibles sur l’environnement, et ceci en Amazonie comme ailleurs. C’est le cas notamment du  barrage Nam Theun 2 construit sur le Mékong (et dont EDF se trouve être actionnaire majoritaire), qui émettrait de fortes quantités de méthane, gaz à effet de serre plus puissant encore que le CO2, selon une étude du CNRS publiée dans le journal Biogéosciences le 13 août 2014. Ce barrage avait pourtant été présenté par EDF comme un exemple de « durabilité ».

Ces révélations ne sont pas les premières, et les barrages de Nachtigal au Cameroun ou encore de Mphanda Nkuwa en Mozambique vont eux aussi bénéficier de la participation d’EDF, malgré les protestations et les dégâts que pourraient causer à l’environnement de telles constructions, notamment par une destruction de l’écosystème, le déplacement de populations, l’émission de quantités faramineuses de méthane, ainsi que des risques sismiques insuffisamment pris en compte.

Il est pourtant peu surprenant que le gouvernement ait fait appel à ces entreprises, au regard de la réaction des parlementaires à l’intervention des Caciques Raoni Metuktire et Megaron Txucarramãe à l’Assemblée Nationale le 3 août 2014. Ceux-ci, non peu impressionnés par son allure, étaient sur la réserve face aux remarques visant Alstom et EDF pour leur participation à la construction de barrages en Amazonie. Particulièrement représentative en est la réponse de M. Harlem Désir, secrétaire d’État chargé des affaires européennes, qui répondait à M. Jean-Louis Roumegas (demandant si l’on pouvait espérer voir le gouvernement français prendre « des engagements pour que la France et ses entreprises ne collaborent plus à des projets portant atteinte à l’environnement et aux droits de l’homme ») que « le barrage de Belo Monte va permettre de fournir de l’électricité à 18 millions de personnes. En même temps, il confirme le choix du Brésil de faire reposer sa production d’électricité principalement sur des énergies renouvelables ».

Cette réponse décevante qui reflète non seulement une approche timide et nuancée du gouvernement français quant aux mesures environnementales pourtant urgentes, mais aussi le discours tenu par le gouvernement brésilien, est aujourd’hui entérinée par le choix de recourir aux entreprises françaises notoirement irrespectueuses des ressources naturelles en Amazonie pour le financement de la COP21. Ceci ne peut être qu’un mauvais présage pour les négociations à venir et les réformes pourtant nécessaires, dont on doute qu’elles puissent voir le jour sans une mobilisation forte et prompte de la part de la société civile.


© Planète Amazone 2015

Date de l'article : 05/06/2015

Auteur de l'article : Camille GUIBAL

Retour