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Barrage de BELO MONTE - Antonia Melo et les expulsés d'Altamira : anatomie d'un scandale

Barrage de BELO MONTE - Antonia Melo et les expulsés d'Altamira : anatomie d'un scandale

La démolition aléatoire des maisons des expulsés de Norte Energia affectent les maisons voisines

Source : Movimento Xingu Vivo Para Sempre
Belo Monte va engloutir beaucoup plus que des maisons sur pilotis à Altamira (titre original)
Les habitants et les commerçants du centre-ville d'Altamira ne savent pas encore combien ils recevront pour leurs maisons et leurs établissements commerciaux, pourtant bien éloignés des quartiers de maisons sur pilotis qui symbolisent les populations affectées par le barrage dans les propagandes de Norte Energia.

"D'ici à la fin février, toutes les maisons de cette rue seront démolies", telle est la sentence de l'ingénieur Marcelo Silva, qui arbore le badge du Consortium Norte Energia. Entouré d'habitants indignés, Silva, acculé, indique nerveusement la rue Sete de Setembro située dans la Zone Açaizal, dans le centre d'Altamira, Pará.

marcelo silva

L'ingénieur de la Norte Energia, Marcelo Silva, en blanc,
explique les plans de l'entreprise
 


Cette scène a eu lieu ce lundi 9 février, et cela confirme le bruit qui courrait dès le début du mois, que Norte Energia entend expulser 2 000 familles d'ici à la fin du mois de mars, "quel qu'en soit le prix". L'empressement de l'entreprise est dû à l'urgence d'obtenir de l'Ibama la licence d'opération (LO, demande soumise ce mercredi 11 février) de l'usine de Belo Monte, ce qui permettra de remplir le réservoir du barrage et de débuter la production d'énergie, prévue initialement pour le 28 février. Les retards coûteront des millions de reais en amende si l'Agence Nationale d'Énergie Électrique (Anatel) décidait de respecter les accords.

Cependant, pour obtenir la LO, et si l'Ibama opte pour le respect de la loi, Norte Energia devra terminer la mise en place des conditions définies par l'autorisation préalable d'installation, mais non encore remplies. Parmi ces conditions se trouvent le déplacement et le relogement de toutes les familles affectées par l'usine.

À la différence des fragiles maisons sur pilotis qui s'équilibrent sur des pieux fichés dans la vase immonde - les habitations des "chanceux" qui seront transférés vers les maisons de béton de la Norte Energia -, amplement médiatisées par le consortium et l'entreprise, ce que l'on voit dans la rue Sete de Setembro et aux alentours, sont des maisons solides, des supermarchés, des commerces, une église.

La plus belle maison de la rue a un mur orange et un portail métallique qui protège une entrée bien entretenue, revêtue de céramique et ornée de plantes. Cette maison est connue, pas seulement à Altamira, mais dans tout le pays et même à l'étranger : Antônia Melo, 65 ans, coordinatrice du Mouvement Xingu Vivo Para Sempre (Xingu Vivant Pour Toujours), fait partie des milliers de familles enregistrées par Norte Energia comme vouées au déplacement mais qui n'ont pas encore été contactées par l'entreprise et n'ont aucune information quant à leur indemnisation ou relogement.

antonia melo e irmãoAntônia Melo avec son frère et son petit fils dans la cour de sa maison


Le terrain où vit la famille d'Antônia fait 743,36 m². La maison, grande, aérée et agréable, occupe un peu moins de la moitié de cet espace, et dans le jardin poussent librement, des fleurs et des plantes ornementales de l'Amazonie, ainsi que de nombreux arbres fruitiers qui produisent une grande quantité de mangues, bananes, açaí. "En juillet 2014, les agents de Norte Energia sont venus pour enregistrer ma maison et nous informer que nous serions déplacés. Depuis, ils ne sont jamais revenus. Nous ne savons pas combien ils entendent nous concéder comme indemnités, nous ne savons pas quand ils entendent nous expulser, nous ne savons rien" commente la plus active opposante à Belo Monte. Et elle précise un détail important : "Bien que cette zone fasse partie du centre d'Altamira, Norte Energia nous l'a définie comme une zone périphérique afin d'en diminuer la valeur d'indemnisation. Elle ne prétend pas non plus considérer la surface construite dans nos terrains, en argumentant que n'étant pas reliés au système d'égout nous ne sommes pas les propriétaires des constructions. Et pour courronner le tout, elle voudrait utiliser les valeurs immobilières de 2012 pour calculer les indemnisations, ce qui est un non sens face à l'hyper-inflation du cours de l'immobilier à Altamira ces dernières années" explique Antônia.

casa antonia melo
La maison de la coordinatrice du mouvement Xingu Vivo Para Sempre, Antonia Melo, menacée de démolition


C'est une situation identique que vit la propriétaire du supermarché Souza e Pena, Aparecida Souza, qui occupe tout un paté de maisons, et Helio Melo Cruz dont la pension de deux étages et 228 m² occupe un autre paté de maisons. Aparecida et Melo, bien entendu, ont été contactés en juillet par la Norte Energia, et eux non plus n'ont plus eu aucune nouvelle, ils ne savent pas combien ils recevront pour leurs établissements ni où ils devront aller.

mercado e pensão
À gauche, le supermarché de Aparecida. À droite, Melo devant sa pension.
La plaque de la rue confirme qu'il s'agit d'une zone du centre ville.


Alors qu'elle laisse dans l'incertitude une grande partie des habitants de la Zone Açaizal, Norte Energia a déplacé des familles et démoli leurs maisons de manière apparemment aléatoire. Selon les habitants qui discutaient avec l'ingénieur Marcelo Silva lundi dernier, cela a sévèrement affecté les maisons voisines. "Vous arrivez et détruisez une maison alors qu'il y a des habitants dans les maisons voisines. Cela déstabilise notre maison, on court le risque de la voir nous tomber dessus. Qu'est-ce que vous pensez être en train de faire ?", demande un habitant exaspéré pendant qu'un autre filme la discussion. Visiblement nerveux, Silva n'offre aucune réponse. "J'habitais à l'étranger, je suis revenu au Brésil pour vous aider. Si ce film me porte préjudice, je m'en vais" argumente mal à l'aise l'ingénieur.

Les relogements
Selon l'Étude d'Impact Environnemental de Belo Monte (EIA, volume 33, item 12.9.4.3), l'objectif central du projet de relogement des familles expulsées par l'usine est de "garantir des conditions de logement meilleures que celles dont disposait la population affectée avant l'implantation de l'usine", souligne le Ministère Public Fédéral (plus haute autorité judiciaire du Brésil - NdT) qui se bat contre les structures de relogement.

Une des voisines de Antônia a déjà été notifiée de son expulsion imminente et a mené une dure bataille judiciaire pour garantir un minimum de compensation. Elle a obtenu une petite maison dans le quartier de relogement Jatobá et en a obtenu une autre pour sa fille. Elle a dû laisser une grande maison avec un jardin, les amis et les facilités d'un quartier du centre, et a été relogée dans une maison de béton aux murs fins, chaude, identique à des centaines d'autres, à plus de 8 km des commerces et du travail, dans un quartier complètement dépourvu de transports publics. La distance et le manque de transport ont fait perdre son travail au pêcheur Cecilio Kayapó. "Après mon déménagement, je n'ai pratiquement plus travaillé" raconte cet indigène au regard distant.

Une autre habitante de Jatobá, Vanessa felix, qui partage sa maison avec sept autres personnes, pointe deux autres graves difficultés : elle habite à côté de la station de traitement des égouts du quartier, une grande fosse où nuit et jour, constamment, des camion citernes vident les déjections recueillies dans les maisons du quartier, en laissant l'air fétide pratiquement irrespirable dans la rue. Les plaintes n'ont servi à rien. Il y a aussi le fait que, bien qu'ayant été expulsés de leurs maisons par Norte Energia, les relogés n'ont reçu aucun titre de propriété de leurs nouvelles maisons, ce qui les empèche de pouvoir les revendre.

caminhões e dejetos
Des camions vident sans interruption leurs citernes de déjections
dans la fosse située à côté de la maison de Vanessa dans le quartier Jatobá des relogés


Selon le défenseur public fédéral Francisco Nobrega, qui assure une aide juridique à la population affectée par Belo Monte depuis le courant du mois de janvier, cette situation est complètement irrégulière. Selon lui, un contrat est passé entre les parties lorsqu'il y a un déplacement des familles de leurs maisons vers un quartier de relogement, mais cela ne signifie pas la garantie de propriété de l'immeuble. "Norte Energia affirme qu'elle régularisera la situation des relogés dès qu'elle aura terminé le processus de relogement des gens, mais pour le moment la situation est irrégulière" explique-t-il. À la question de savoir s'il y a les conditions nécessaires pour que l'Ibama concède l'autorisation d'opération de Belo Monte, Francisco est clair : "Non. Nous, les défenseurs publics, avons une énorme demande de la part des habitants, et avec l'infrastructure précaire dont nous disposons pour travailler, nous n'arrivons à traiter que les cas les plus graves. Des habitants qui n'ont rien reçu, des maisons neuves qui tombent déjà en ruine... Il y a encore beaucoup de choses à résoudre quant au respect des conditions" affirme l'avocat.


© Xingu Vivo - Verena Glass / article original

Date de l'article : 12/02/2015

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