Safaris humains dans la jungle péruvienne
Une famille de Mashco-piro dans la jungle péruvienne, le 31 janvier 2012 (AFP PHOTO/Diego Cortijo/www.uncontactedtribes.org/www.survivalfrance.or)
Source : Courrier International
Des agences de tourisme de Cuzco organiseraient pour leurs clients des incursions secrètes dans des zones de l'Amazonie voisine, habitées par des tribus sans contact extérieur et protégées. Un comportement prohibé et qui menace la survie de ces ethnies.
Une ethnie indienne isolée de l'Amazonie péruvienne serait l'objet d'incursions touristiques organisées clandestinement par des agences de Cuzco. La tribu des Mashco Piro, petite communauté de quelque 600 âmes apparentée aux Arawaks, vit isolée dans la réserve Madre de Dios, dans le sud-est du pays.
Les accès à cette zone protégée, située au sein du parc national de Manú inscrit au Patrimoine mondial de l'humanité, sont strictement limités et tout contact avec une dizaine de communautés indiennes répertoriées par le gouvernement est interdit. Mais, depuis quelques mois, des soupçons pèsent sur des opérateurs touristiques qui proposeraient sous le manteau à leurs clients des "safaris humains", note l'hebdomadaire brésilien Carta Capital.
Vêtements et missionnaire
Le magazine rapporte qu'une patrouille de surveillance d'une réserve voisine a aperçu dans la zone interdite, en descendant le fleuve, deux embarcations identifiées au nom d'une société de tourisme, avec des groupes de personnes à bord. Les bateaux se sont éclipsés à l'arrivée des patrouilleurs. Mais sur la rive se tenaient une missionnaire évangéliste et cinq jeunes Mashco Piro portant des vêtements [ces Indiens ne portent habituellement que des cache-sexe].
Interrogée sur sa présence en ce lieu, la missionnaire a expliqué qu'elle apportait des bananes à la communauté, mais que les vêtements devaient provenir des touristes. D'autres témoignages concordants font état de "cadeaux" laissés par des touristes aux Mashco Piro, dont des vêtements et de la nourriture, mais aussi de la bière.
Un tourisme malsain
Ces Indiens sont particulièrement vulnérables aux maladies qu'ils pourraient contracter lors de ces contacts. L'organisme local péruvien qui fédère les peuples indiens, la Fenamad, estime que, selon ses informations, ces "visites" étrangères aux Mashco Piro sont quotidiennes et exhorte les autorités à s'emparer de l'affaire, relate le quotidien péruvien La Razón.
Les responsables régionaux du tourisme ont promis une enquête mais aucun, pour le moment, ne confirme l'existence avérée de ces "safaris humains".
De son côté, le patron local du service national des zones naturelles protégées, le Sernanp, faisait valoir le 30 août qu'il n'avait pas connaissance de ces pratiques et, qu'à son avis, aucune agence de tourisme agréée par ses soins ne proposerait ce type de prestations, rapporte le quotidien de Lima El Comercio.
© Courrier international | Sabine Grandadam