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Grands barrages en Amazonie : la résistance indigène à l'assaut des entreprises françaises lors d'une manifestation à la Défense

Grands barrages en Amazonie : la résistance indigène à l'assaut des entreprises françaises lors d'une manifestation à la Défense

Sônia Guajajara, porte-parole du mouvement indigène au Brésil, à la tête d'une manifestation à la Défense le 14 mars 2014 © Christian Poirier / Amazon Watch

Elle a fait le déplacement jusqu'à Paris, après un crochet par l'ONU de Genève, pour tenter d'alerter le grand public et la communauté internationale: la porte parole du mouvement indigène au Brésil, Sônia Guajajara, coordinatrice de l'APIB (Articulation des Peuples Indigènes du Brésil) a pris la tête d'un cortège constitué d'une centaine de militants dans le quartier d'affaires de la Défense, le vendredi 14 mars 2014, date marquant une journée d'action internationale pour les rivières et contre les barrages.

Intitulée 'S.O.S. Amazônia - Stop Belo Monte'* et mise en place dans le cadre d'une opération internationale du même nom prévue pour durer jusqu'au 13 juillet 2014, jour de la finale de la Coupe du monde de football au Brésil, la manifestation faisait suite à deux récents rassemblements (15/11 et 10/12/2013) devant les sièges ou antennes d'entreprises françaises et l'ambassade du Brésil. Le cortège mobile a cette fois pris pour cible quatre endroits distincts pour demander le retrait de la participation d'entreprises françaises et européennes des projets de grands barrage en cours de construction ou de développement en Amazonie brésilienne: le siège de GDF-Suez, celui d'EDF, l'immeuble d'Alstom et le Ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Ecologie, situé dans la structure de la Grande Arche de la Défense

Tous les manifestants avaient répondu présents à l'appel des associations Planète Amazone, Amazon Watch et GITPA. Des militants de Survival International - France et d'Idle No More France, ainsi que des représentants de France Libertés, NatureRights et ICRA avaient également rejoint le cortège.

Les partisans de la préservations de l'Amazonie, peintures de guerre indigènes sur le visage en soutien à leur lutte, ont inlassablement scandé leurs revendications pendant les trois heures de la manifestation, sous la forme d'interventions ou de slogans tels que : "VIVA AMAZÔNIA!" ("que vive l'Amazonie!"), "XINGU VIVO PARA SEMPRE" (le [fleuve] Xingu vivant pour toujours), mais aussi "Alstom/EDF/GDF-SUez... dégage, des grands barrages!", "non non non, Belo Monte non!", et ses variantes avec les noms d'autres barrages impliquant ces compagnies françaises, comme Jirau ou Tapajos.

A l'approche de la Coupe du monde de football au Brésil (12 juin - 13 juillet 2014), certains manifestants, formant une équipe symbolique, arboraient des maillots de football munis de dossarts figurant soit une main main verte surplombant le slogan "S.O.S. Amazônia" (en soutien à la lutte pour la préservation des sanctuaires naturels en Amazonie), soit une main rouge accompagnée du message "Stop Belo Monte!' (en soutien à la lutte des peuples d'Amazonie, indigène ou non, pour le respect de leurs droits).

Victimes collatérales du modèle de développement choisi par leur pays, les classes les plus fragiles, dont les peuples indigènes, sont de plus exclus (cf: expulsion de l'aldeia Maracana à Rio de Janeiro) des grands événements sportifs (Coupe du monde 2014, J.O. 2016) devant servir de marche-pied à l'accession du Brésil à la catégorie des super-puissances économiques. En réaction, les chefs de file de la résistance amazonienne appellent non pas à boycotter la prochaine Coupe du monde, mais au contraire à se l'approprier en s'unissant à différents mouvements de contestations qui grandissent ça et là pour briser le mur du silence que dirigeants et médias ont sciemment édifié sur ces enjeux pourtant planétaires, pour cause d'intérêts économiques vertigineux.

A Paris, les maillots et les pancartes figurant un logo détourné de la Coupe du monde étaient une façon symbolique d'affirmer que le Brésil et la France jouent dans la mauvaise équipe en Amazonie: celle qui gagne de l'argent en bafouant les droits et en sacrifiant les forêts et leurs habitants.

Les différents intervenants ont, bien entendu, a nouveau conspué la construction en cours du barrage de Belo Monte, dont les dernières actualités confirment qu'il est bien un désastre social et environnemental ainsi que le cheval de Troie d'une déforestation a plus grande échelle... et donc un symbole à abattre. L'accent à cependant été mis sur d'autres projets en cours de réalisation ou de développement au Brésil, dans le cadre du PAC (Plan d'Accélération de Croissance) mis en place sous l'administration du président Lula Da Silva : Jirau et Santo António (sur le fleuve Madeira), Teles Pires (sur le fleuve du même nom) et surtout le complexe de barrage actuellement à l'étude sur le rio Tapajos, au centre de toutes les inquiétudes.

Alors qu'une récente étude de l'université d'Oxford vient réaffirmer aujourd'hui que ces barrages ne sont pas viables économiquement et que les crues du fleuve Madeira ont fait déborder les réservoirs des barrages de Jirau et de Santo António, provoquant des désastres auprès des populations locales, les entreprises telles GDF-Suez - qui réalise, par le biais d'une de ses filiales, des études d'impact environnementaux sur certains de ces projets (dont celui de Belo Monte) - font la sourde oreille.

Lors d'une réunion avec Sônia Guajajara et des représentants de Planète Amazone, Amazon Watch et l'Observatoire des multinationales, le mercredi 12 mars, la direction du département développement durable de GDF Suez a tout de même admis du bout des lèvres qu'ils devaient "s'améliorer".

- Gert-Peter Bruch (Planète Amazone), Olivier Petitjean (Observatoire des Multinationales), Sônia Guajajara (APIB) et Christian Poirier (Amazon Watch) au sortir d'une réunion avec des représentants de GDF-Suez, le 12 mars 2014 à la Défense © Planète Amazone -

Inflexible, Sônia Guajajara avait déclaré à ces interlocuteurs : « je vous remercie une nouvelle fois de me recevoir. Pour les peuples indigènes c’est très difficile de comprendre tous vos processus, cela porte atteinte à notre mode de vie, notre alimentation. Nous ne sommes pas d’accord avec les barrages, avec ce modèle de développement. Nous, l’argent ne nous concerne pas et ne remplacera pas ce que nous perdons, nous avons un autre modèle de vie. Toutes vos explications techniques sont très intéressantes, mais cela n’est pas le fonctionnement de notre pensée. Nous allons continuer à lutter et à manifester contre ce modèle. Au Marahnao, je vie de très près au quotidien les effets du projet Estreto sur la population. Rien ne peut compenser ces impacts. Et cela se répète à l’infini. »


Ce à quoi GDF-Suez, par la voix du conseiller de l'entreprise en matière de relation avec les ONG, a répondu : « c’est au gouvernement d’intégrer vos préoccupations. Et là nous en tiendrons compte. Normalement ce qui prime c’est l’intérêt public. Les entreprises vont s’y adapter. » Sônia Guajajara : « la responsabilité des entreprises ce sont les impacts on ne peut pas rejeter la seule faute sur le gouvernement. »

Les principales recommandations émises par Sônia Guajajara en conclusion de ce rendez-vous ont été la mise en place d’une politique de dialogue et de transparence avec les populations concernées avant le début des projets. GDF-Suez a fait savoir qu’ils étaient prêts à faire des efforts dans ce sens. Ce qui n'a pas empêché la représentante du mouvement indigène au Brésil de rappeler deux jours plus tard devant leur siège tout le mal qu'elle pensait du travail de la compagnie française en Amazonie, soulignant par exemple l'absence totale de prise en considération des peuples isolés vivant en réclusion volontaire aux alentours du barrage de Jirau.

Manifestation le 14 mars 2014 à la Défense - © Planète Amazone
- Manifestation 'S.O.S. Amazônia - Stop Belo Monte' le 14 mars 2014 à la Défense, devant la tour EDF
© Christian Poirier / Amazon Watch -


Lors de la première étape du rassemblement, devant la tour de GDF-Suez, Gert-Peter Bruch, président de Planète Amazone, a signalé la volonté du Brésil de contraindre cette entreprise à recommencer ses études d'impact, au vu des dégats causés par les crues récentes du fleuve Madeira. Christian Poirier (Amazon Watch), qui accompagnait déjà en 2011 trois représentants indigènes, dont le leader amazonien Almir Surui, venu leur signaler les atteintes aux droits de son peuple causés par le barrage de Jirau, a quant à lui déploré un manque total de remise en question.

Alors que la capitale française subissait un pic de pollution tout à fait visible depuis l'esplanade de la Défense, les intervenants ont rappelé devant le gratte-ciel de la compagnie EDF, qui souhaite désormais investir en Amazonie brésilienne, que les barrages hydroélectriques, loin de fournir une "énergie verte", apportent aussi une importante pollution : les eaux stagnantes deviennent rapidement non-potables, la putréfaction des végétaux immergés entrainent des émissions de méthane, un gaz à effet de serre 25 fois plus puissant que le CO2... Quand aux industries minières, qui ont vocation à s'implanter autour des grands barrages comme Belo Monte (cf: le projet Belo Sun), elles apportent une destruction encore plus étendue de la forêt, et des rejets toxiques pour toutes les espèces vivantes des environs.

Gert-Peter Bruch a déploré l'attitude de la direction d'EDF, qualifiant de honteux le refus de recevoir Sônia Guajajara en France, et la proposition « par le biais d'un courrier électronique de 3 lignes » faite à celle-ci de prendre contact avec ses représentants au Brésil.

Sônia Guajajara devant la tour EDF - © Christian Poirier / Amazon Watch

- Sônia Guajajara devant la tour EDF à la Défense
© Christian Poirier / Amazon Watch -

Devant l'immeuble d'Alstom, enfin, Christian Poirier a tenu à rappeler que toutes ces entreprises sont signataires de chartes éthiques prônant le respect de l'environnement et des droits humains, systématiquement bafoués lors de la participation des entreprises aux grands projets de barrages. « Alstom, qui a déjà reçu de notre part trois demandes d'entretien, n'y a pas prêté grande attention. C'est dire le respect et la considération qu'ils ont pour les peuples indigènes et amazoniens », a ajouté Gert-Peter Bruch.

Le rassemblement s'est terminé au bord de la Seine où une photo de groupe a été réalisée pour ancrer cet événement dans le cadre de la Journée Internationale d'Action pour les Rivières et contre les Barrages, initiée par l'ONG International Rivers. Sônia Guajajara a tenu à remercier les participants encore présents  en les conviant à une danse traditionnelle de son peuple. Dans le chant qui l'accompagnait, elle a souhaité, pour le monde entier, la protection des rivières, essentielles à la survie des derniers peuples autochtones et à la préservation de la biodiversité.

- par Mathieu Bonnet et Gert-Peter Bruch / Planète Amazone -


 

* 'S.O.S. Amazônia - Stop Belo Monte' est le nom d'une opération citoyenne internationale lancée par Planète Amazone et prévue pour durer jusqu'à la finale de la Coupe du monde au Brésil, le 13 juillet 2014). Les citoyens du monde entier sont invités à y participer par le biais d'un événement créé sur le réseau social Facebook : http://www.facebook.com/events/611520938885143/

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Comme les deux rassemblements précédents initiés par Planète Amazone (15-11 et 10-12-2013), celui-ci a été soutenu par des élus. Ils sont cette fois-ci 13 à avoir répondu favorablement à l'appel que nous leur avons fait parveni, malgré la période chargée des élections municipales. En voici la liste :

la Garde des Sceaux Christiane Taubira, les députés François-Michel Lambert (Bouches-du-Rhône), Isabelle Attard (Calvados) et Noël Mamère (Gironde), les sénateurs Joël Labbé (Morbihan), Leïla Aïchi (Paris), Kalliopi Ango-Ela (français établis hors de France), Esther Benbassa (Val-de-Marne), Corinne Bouchoux (Maine-et-Loire), Jean Desessard (Paris), André Gattolin (Hauts-de-Seine) et Hélène Lipietz (Seine-et-Marne), les députées européennes Corinne Lepage (Nord-Ouest) et Catherine Grèze (Sud-Ouest).

Date de l'article : 17/03/2014

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