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SONIA GUAJAJARA, LEADER INDIGÈNE, BRÉSIL : "Il est temps de se lever, pour l'affrontement"

SONIA GUAJAJARA, LEADER INDIGÈNE, BRÉSIL :

Sonia Guajajara en octobre 2013 à Brasilia, pendant les grandes manifestations indigènes dont elle a assuré la coordination - photo Gert-Peter Bruch

Source : Carta Capital
Elle sera au mois de mars 2014 en Suisse (Genève) et en France (Paris) pour la première fois afin d'alerter la communauté internationale. C‘est l’une des personnalités indigènes les plus importantes de son pays, Sonia Guajajara parle des droits des indigènes bafoués et appelle la société brésilienne à la mobilisation, en défense de la constitution.

Sonia Guajajara est aujourd'hui la porte-parole du mouvement indigène brésilien. Récemment nommée coordinatrice exécutive de l'A.P.I.B (Articulaçao dos Povos Indigenas do Brasil / Articulation des Peuples Indigènes du Brésil), elle a convoqué en octobre 2013 les indiens et toute la société brésilienne à une mobilisation nationale pour défendre les droits indigènes instaurés il y a exactement 25 ans par la constitution fédérale.

Née en 1974, dans un village du peuple Guajajara dans la région de la forêt du Maranhao, "Soninha" (son surnom), a été pendant 5 ans vice coordinatrice de la "Coordination des organisations indigènes d'Amazonie » (COIAB). Aujourd'hui l’une des dirigeantes indigènes les plus combatives du pays, elle passe la plupart de son temps à Brasilia, affrontant directement ses adversaires des Bancs ruraux du Congrès National.

Pour Sonia, il existe trois phases du mouvement indigène au Brésil : "Nous avons connu une période pré-constituante, où les dirigeants luttaient pour garantir les droits indigènes. Ensuite, il y eut le moment de lutter pour le respect de ces droits acquis. Et maintenant nous luttons pour ne pas perdre ces droits."

Les projets de loi et les amendements qui sont traités au congrès sont menaçants, particulièrement ceux qui remettent en cause les droits territoriaux.

Une offensive menée par des députés liés à l’agro-industrie qui, par le biais des propositions d'amendements constitutionnels n°038/99 et 2015/00, proposent de transférer l'attribution de démarcation de l'exécutif au législatif, sans oublier l’amendement n°237/13 qui permet la location des terres indigènes aux grands producteurs agraires.

Ces députés ont défendu aussi le projet de loi 1610/96 qui autorise l'exploitation minière des zones démarquées; et le projet de loi complémentaire 227/12 légalisant les domaines de propriété agraire et les colonies à l'intérieur des terres indigènes.

Le mouvement indigène se dit prêt à se défendre des attaques du pouvoir exécutif, qui, avec les arrêtés 419/11 et 303/12, prétend étendre à tout le Brésil les contraintes "raposa serra do Sol", définies pour la terre indigène, et le décret 7957/2013, qui régule l'action de la force nationale visant à renforcer la réalisation d'études sur les impacts sociaux-environnementaux." Le gouvernement de Dilma est celui qui a le moins homologué de terre indigène depuis la création de la Carte Magna en 1988"

Aujourd'hui la cible majeure du combat des indiens est la PEC215. Le parti des ruralistes ("bancada ruralista") a promis d'instaurer une commission spéciale qui débattra sur la proposition d'en finir avec les démarcations des terres indigènes au Brésil.

La mobilisation s’est tenue du 30 septembre au 5 Octobre 2013, avec une programmation d'évènements dans tout le Pays. A Brasilia, plus de 1000 chefs indigènes venant de tout le Pays ont campé en face du Congrès National pour la mobilisation du mardi 1er octobre : " comme disent nos ancêtres, le moment est venu de faire la guerre. Nous devons nous lever. Ils arrivent avec beaucoup de force."

Sonia Guajajara en compagnie du Cacique Raoni, lors du sommet de Rio+20, en juin 2012.
Photo : Gert-Peter Bruch

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Carta Capital: Comment la lutte pour le droit indigène a-t-elle commencé au Brésil?

Sonia Guajajara: Le Territoire était la cause principale, c'est ce qui a lancé la lutte pour nos droits acquis lors de la Constitution fédérale en 1988, quand les dirigeants participaient activement pour garantir ces droits. Nous avons conquis deux petits chapitres, mais ils sont très importants, parce qu'ils nous ont garanti notre territoire.

Peu de temps après, se sont créés les organisations indigènes au Brésil. Cela s'est passé en 1989, ainsi est née la "COIAB" en 1989, et d’autres organisations ont suivi. Le mouvement indigène s'est alors organisé pour lutter pour la confirmation du droit acquis.

 

CC: Beaucoup de terres indigènes furent démarquées à cette époque?

SG: Pendant longtemps nous avons lutté pour cette confirmation et cela a abouti à la démarcation des terres, principalement en Amazonie. Jusqu'à aujourd'hui les peuples qui vivent au Mato Grosso du sud et dans les états du Sud et du Nordeste n'ont pourtant pas réussi à démarquer leurs terres, qui ont été données illégalement par leur propre gouvernement d'état à des fermiers.

Donc, pendant cette période, le mouvement indigène a beaucoup travaillé. Après le travail effectué pour la démarcation des terres en Amazonie, nous avons commencé à lutter pour la durabilité. Cela ne suffisait pas de garantir les terres, elles devaient être gérées, il fallait entretenir la terre protégée, juguler les invasions. Nous luttions pour protéger notre territoire, pour la santé et l'éducation. Quelques droits furent acquis; l'éducation indigène est devenue politique publique, la santé aussi.

Il y a encore beaucoup de défauts, mais ce sont des droits acquis par le mouvement indigène qui a commencé à avoir plus d’influence dans les espaces de décisions du gouvernement.

 

CC: Et ces droits acquis, sont-ils menacés aujourd'hui?

SG: Le Congrès National œuvre pour engloutir les terres indigènes. Quel intérêt y trouve-t-il? Il s’agit de prendre nos terres et de les utiliser pour augmenter la production et l'économie du Pays. C'est la vision du pouvoir exécutif, cela fait partie du plan d'expansion du Brésil. L'Exécutif et le Congrès National sont alliés pour répondre à la demande des grandes entreprises et à l’agro-industrie. Ce qui se passe au Congrès National à l’heure qu’il est notre plus grande bataille.

 

CC: Les projets de loi et d'amendements constitutionnels proposent des changements dans les processus de démarcation des terres indigènes. Qu'est ce qui est en jeu?

SG: Nous avons une grande demande de démarcation au Brésil et nous ne voyons pas le gouvernement fédéral s'y intéresser. Ce que nous voyons c'est du désintérêt. Il y a quelques mois, la ministre Gleisi Hoffmann (Casa civil) a suspendu les études d'indentification au sud du Pays. Arrêter les processus de démarcation profite directement aux d'intérêts personnels des députés de groupes agraires, qui possèdent de grandes surfaces de terres. Les projets comme la PEC215, la PEC38 et le PLP 227 ne compliquent pas seulement la démarcation, ils tentent aussi de revoir les terres déjà démarquées. Il existe aussi des cas de zones démarquées très petites, habitées par des peuples déterminés depuis des années à agrandir leurs territoires, mais avec ces mesures il ne sera plus possible d'étendre les terres indigènes au Brésil.

 

CC: Qu'a fait le mouvement indigène jusqu'à aujourd'hui pour arrêter la PEC 215?

SG: En avril 2013, nous avons occupé la plénière de la Chambre du Congrès et avons réussi à empêcher l'installation de la commission spéciale qui allait instaurer la PEC. Nous avons aussi réussi à créer un comité paritaire entre les indigènes et les parlementaires pour discuter sur la question. D'avril à septembre, le comité a fait diverses réunions et audiences publiques avec la participation d'importants juristes. La conclusion fût que la PEC215 était inconstitutionnelle, parce qu’elle faisait état d’abus de pouvoir. La marche parlementaire de défense des droits indigènes est arrivée avec une pétition contenant tous les points de l'inconstitutionnalité. Malgré les travaux du comité, le président de la Chambre a créé la commission spéciale qui va analyser la proposition, et ceci sans la participation du PT (parti travailleur), qui a refusé de nommer les membres qui étaient contre la proposition. L'installation est programmée pendant la semaine de mobilisation et nous trouvons ca parfait! (rires)

 

CC: Le pouvoir exécutif se dit contre la PEC 215?

SG: Le pouvoir exécutif est en désaccord car ils ne veulent pas de passation de pouvoir avec le législatif. Entre autre, la présidente Dilma a affirmé durant la réunion avec le mouvement indigène en Juillet 2013 qu'elle était "fermement contre." Ce sont les mots qu'elle a utilisé. La Présidente Dilma a dit qu'elle était solidaire du mouvement indigène pour que la PEC ne soit pas approuvée. Nous pensons qu'elle a appelé les principaux membres du Parti Travailleur(PT) de la chambre pour donner leurs réserves et les parlementaires se sont déclarés contres.

 

CC: Le PLP 227, qui légalise les grandes exploitations agricoles et les implantations sur les terres indigènes a été annoncé le jour de la réunion avec Dilma. Comment le mouvement indigène a réagi à cette annonce?

SG: Au moment précis où nous étions en train d'essayer d'établir le dialogue avec le gouvernement, ils annoncent le projet de loi 227. Nous nous sommes sentis totalement trahis, parce que cela a été combiné entre l'exécutif et le législatif. Au moment où Dilma disait qu'elle était contre la PEC215 elle était déjà en train de donner carte blanche pour négocier le PLP 227 ! C'est un jeu très bien ficelé entre les pouvoirs pour faire avancer leurs intérêts.

Le PLP 227 est beaucoup plus dangereux que la PEC 215, parce qu'il dit que tout ce qui relève de l'intérêt supérieur de l'union peut être établi sans concertation. Ce qu'ils veulent dire par intérêt supérieur est en réalité l'intérêt privé, les entrepreneurs exploitant les terres indigènes. Et comme c'est complémentaire, cela leur facilite la tâche, car ils n'ont pas besoin d'être concertés, cela va directement à l'assemblée pour être voté, et le vote n’est qu’une formalité. Une commission spéciale a déjà été créée pour donner faire passer le PLP 227.

 

CC: Et le projet de loi sur l'exploitation minière?

SG: Il est extrêmement dangereux, il est fait pour pouvoir répondre aux intérêts des grandes entreprises de l'exploitation minière qui veulent creuser dans les terres indigènes. Ils vont nous dire que cela sera bénéfique pour nos communautés, mais ça ne le sera pas. Nous ne pouvons pas nous mettre en position d’accepter de recevoir des compensations. Nous n'avons pas à négocier le droit réel de jouissance exclusif des peuples indigènes, que la constitution garantit. Avec ce projet de loi, la terre ne sera plus un bien appartenant au peuple indigène, cela deviendra un bien privé.

 

CC: Et le "décret de la répression"? Pourquoi cela a été nommé ainsi par le mouvement indigène?

SG: Le décret 7.957, institué en 2013, est une mesure autoritaire parce qu'il règlemente le recours aux forces armées face à ceux qui veulent protéger l’environnement. Il a été créé pour garantir les études de licences environnementales des grandes entreprises et interdit aux indigènes de manifester contre ces études sous peine de recours à la force nationale, alors que nous n’agissons que pour protéger nos territoires afin d’y vivre paisiblement.

 

CC: Comment le mouvement indigène combat ces offensives?

SG: Les offensives viennent autant du pouvoir législatif que du pouvoir exécutif. Et aussi du judiciaire, parce qu'il y a une mauvaise volonté manifeste à ne pas résoudre les cas sur la question de la terre.

En vérité, les trois pouvoirs sont contre les droits indigènes, ceci est notre évaluation. Les attaques contre les droits indigènes sont faites pour répondre au modèle de politique du résultat du pays et des intérêts personnels du business agricole.

Le pouvoir exécutif a ses projets de politique du résultat et le Congrès à ses parlementaires ruraux. L'an dernier, nous avons focalisé la lutte contre le décret (portaria) 303. Il y a eu de nombreuses manifestations dans tout le pays. Le mouvement indigène était présent en permanence à Brasilia. Nous avons obtenu l'annonce par les ministres de la suspension temporaire de ce décret. En Juin, nous avons fait une mobilisation sur twitter et le PLP227 a été le sujet le plus commenté dans le monde sur le réseau social. Il devait être voté en urgence mais nous avons réussi à l'arrêter.

 

CC: Quelques mots s’il vous plait sur la mobilisation d’octobre 2013.

SG: Le mouvement indigène s'est organisé pour être à Brasilia pendant toute une semaine. Nous avons réussi à rassembler diverses entités et mouvements sociaux. Environ 1000 dirigeants étaient attendus à Brasilia pour refléter cette diversité et discuter des 25 ans de la constitution. Comment s'est passé cette lutte? Qu'avons-nous conquis? Que pouvons-nous faire pour ne pas perdre nos droits? Nous avons organisé des audiences au Congrès National, avec des ministres et aussi des instances du pouvoir judiciaire.

Ces lois et ces mesures anti-indigènes ont donné au mouvement la volonté de descendre à nouveau dans la rue. Les peuples s'unissent et croient qu'ils peuvent mettre un terme à toutes ces mesures votées par les trois pouvoirs. Le mouvement indigène national s'est renforcé.

Comme disaient nos ancêtres, le temps est venu de faire la guerre. Il est temps de se lever, vous ne pouvez plus rester là à regarder ce qui se passe et pleurer sur votre sort. Ils arrivent avec beaucoup de force. Il est temps de se lever, pour l'affrontement.

 


© Carta Capaital / Maria Emília Coelho - traduit du portugais par Adrien de Araujo

Date de l'article : 21/02/2014

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