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L'Aldeia Maracana, village indien urbain de Rio de Janeiro, symbolise 513 années d'exclusion des indigènes au Brésil

L'Aldeia Maracana, village indien urbain de Rio de Janeiro, symbolise 513 années d'exclusion des indigènes au Brésil

Source : lab.org.uk
A quelques minutes du mythique stade Maracana, un village indigène urbain, l'Aldeia Maracana lutte pour sauver un bâtiment historique menacé par l'imminence de la Coupe du Monde de Footbal au Brésil (Rio 2013).

À la différence de l'image traditionnelle d'un village indigène, l' 'Aldeia Maracana', qui est le nom qu'on lui donne ici, est un village créé et entretenu par plusieurs groupes ethniques brésiliens. Il est situé à l'intérieur et autour d'un vieux château en ruine, pas très loin du centre de Rio de Janeiro et à quelques minutes du stade de football géant de Maracana. Cette propriété était abandonnée depuis des dizaines d'années lorsque les premiers Indiens y arrivèrent au début des années 2000.

L'arrivée des Indiens dans le village est vue comme une « occupation », mais « réappropriation » est le terme que préfèrent ses habitants et les gens qui les soutiennent. Après un échec en 2004, le village finit par être créé en 2006, lorsqu'il y eut un nombre assez important d'Indiens et de défenseurs pour occuper et entretenir ce bâtiment d'une importance historique, et pour lutter contre le projet de démolition. C'est maintenant devenu une référence essentielle pour d'autres défenseurs non-indigènes – ceux pour qui comptent les traditions, aussi bien matérielles qu'immatérielles.

De plus, le village abrite un « Centre Culturel Indigène » qui est un lieu de rencontre pour des groupes ethniques venus de différentes régions du Brésil et de l'étranger, et les Indiens voudraient que le bâtiment devienne la première université indigène du Brésil, pour y accueillir et former des indigènes de toutes les régions.

Depuis 2011, lorsque j'ai entendu parler de lui pour la première fois, j'ai voulu avoir des nouvelles de ce village indigène urbain extraordinaire situé à Rio de Janeiro. J'étais alors au Royaume-Uni, et la plupart des informations que je pouvais obtenir m'étaient envoyées par un ami sociologue, qui fait un travail de recherche sur le village, ou venaient des articles épisodiques paraissant sur des sites internet brésiliens alternatifs et sur des blogs. Depuis, avec la perspective de la Coupe du Monde en 2014, qui se tiendra au Brésil, il y a davantage de tension, et donc on commence à voir apparaître une meilleure couverture médiatique.

 

Ma visite de l'Aldeia

Avant de visiter cet endroit, j'avais lu et entendu divers commentaires au sujet des chefs du village et de ses habitants. Certains faisaient part de conflits de pouvoir entre groupes ethniques, d'autres disaient que certains responsables étaient déprimés. Les commentaires les plus durs jetaient le doute sur l'appartenance ethnique de certains responsables, parce qu'ils ne portaient pas les vêtements d'une tribu ou parce qu'ils parlaient couramment le portugais, ou bien taxaient les Indiens d'opportunisme, disant qu'ils avaient mis sur pied ce village pour attirer l'attention à l'occasion de la Coupe du Monde au Brésil.

Mais bon nombre de ces accusations ne sont pas fondées. En creusant la question, j'ai découvert qu'à la formation du village, il y a environ sept ans, le Brésil n'avait pas encore été choisi pour accueillir le plus prestigieux événement footballistique. En outre, et c'est peut-être la chose la plus importante que j'aie découverte, l'importance historique de bâtiment était en fait la raison principale qui avait décidé de la création du Village Indigène de Maracana. Après avoir fait toutes ces découvertes, je décidai qu'il me fallait vraiment rendre visite à ces gens la prochaine fois que j'irais voir ma famille au Brésil.

 

Le château impérial du 19ème siècle

 

Bâti en 1862, la maison impériale du village a été le témoin de nombreux projets et décisions d'importance pour les peuples indigènes du Brésil. Propriété à l'origine du Duc de Saxe, il devint celle du Ministère Brésilien de l'Agriculture, de l'Industrie et du Commerce en 1889, à l'avènement de la République. Aux environs de 1910, il abrita le premier institut de la recherche sur la culture indigène du Brésil. Peu de temps après, il devint la principale implantation du Bureau de la Protection des Indiens, aujourd'hui la FUNAI – la Fondation Nationale Indienne – fondée par le célèbre maréchal Candido Rondon, son premier directeur et le responsable de la création du Parc National du Xingu. En outre il fut jusqu'en1978 le premier quartier général du Musée des Peuples Indiens du Brésil, créé par l'anthropologue Darcy Ribeiro, un autre éminent expert des Indiens du Brésil. Je pense qu'à l'évidence l'importance de l' 'Aldeia Maracana ' n'a besoin d'aucun fait ni d'aucun acte de résistance pour être justifiée. Une part importante de l'histoire des peuples blancs et indiens du Brésil se trouve rassemblée sous ce toit.

 

La coupe du monde au Brésil en 2014

Ce fut après que la FIFA eût décidé que le Brésil accueillerait la Coupe du Monde de 2014 que le risque de la démolition du bâtiment devint beaucoup plus grave. Le projet du« Complexe Maracana»vit le jour, qui prévoyait de démolir, en plus de la maison impériale du village, d'autres bâtiments autour du stade, y compris une école, un centre aquatique appelé « Parque Aquàtico Jùlio Delamare », et le stade Célio de Barros. Ces bâtiments devaient être démolis pour faire place à un parking géant, pouvant contenir 2000 voitures, à la modernisation du gymnase Maracanazinho, un centre commercial avec des bars, des restaurants et des boutiques, et un Musée du football. Selon l'Institut Brésilien de la Science et de la Technologie, le plan demandait un investissement de 800 millions de réaux (plus de 260 millions de livres sterling) de fonds publics pour ce réaménagement. En outre, la direction de l'ensemble des installations devait être cédée à une compagnie privée pour un bail de 35 ans.

 

Le gouvernement de l'État de Rio de Janeiro abandonne l'idée de la démolition

Le 28 janvier 2013, à l'issue d'une longue procédure bureaucratique et complexe, l'État de Rio de Janeiro accepta que la maison impériale du Village Indigène de Maracana ne soit pas détruite. C'était une décision logique, de l'avis général, étant donné que la plupart des organismes concernés étaient opposés à la démolition : Crea ( Comité Régional Technique et Agronomique), DPU ( Défense Public du Brésil), Alerj (Assemblée Législative de Rio de Janeiro), des ONG, des architectes, des urbanistes et même la FIFA, même si bon nombre de ces derniers avaient été précédemment mentionnés par le gouvernement parmi ceux qui insistaient pour que le bâtiment soit démoli. Pure coïncidence, cette décision fut prise seulement 16 jours après que la police eût tenté, sans succès, d'expulser les résidents, opération qui causa un autre scandale quand il s'avéra que la police avait assiégé le bâtiment pendant 12 heures, alors qu 'elle ne disposait pas d'un ordre officiel d'expulsion.

 

Et les Indiens ?

Le village, qui a accueilli plus de 70 indiens venant de plus de 70 groupes ethniques, reçoit de fréquentes visites de nombreux groupes de défenseurs indiens et non indiens. La plupart de ceux qui vivent là ou qui visitent le bâtiment ont émigré au cours de ces années vers la ville de Rio ou dans le voisinage, à la recherche d'une meilleure éducation, de soins médicaux, ou pour échapper aux problèmes de conflits fonciers de leur village.

Maintenant que le gouvernement de Rio a garanti la protection et le réaménagement de la maison impériale, l'attention se porte sur la question du maintien des Indiens en ce lieu, ce qui, pour des raisons historiques, semble le meilleur moyen d'assurer la continuité des projets actuels et de ceux à venir. Mais il n'est pas surprenant, si l'on pense à toutes les violations des droits humains et aux expulsions illégales dans les favelas en préparation des festivités, que le gouverneur de Rio, Sergio Cabral, ait dit qu'il s'oppose à ce que les indigènes restent dans ces lieux, les qualifiant d' « envahisseurs » de cette propriété publique emblématique qu'on a délaissée pendant si longtemps.

Le 16 février, j'ai finalement visité l' 'Aldeia Maracana '. J'ai toujours une question en tête : est-ce vraiment justice de penser à l'avenir de ce bâtiment sans le relier à ces gens et à leurs idées ?


© lab.org.uk - Nayana Fernandez / traduction par Jean-Pierre Renard: article original

Date de l'article : 19/03/2013

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