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Belo Monte : le vrai visage d'un désastre écologique annoncé

La réforme du système inter-américain des droits de l'homme parvient à échéance

La réforme du système inter-américain des droits de l'homme parvient à échéance

Des militants protestent contre le barrage du Belo Monte, un projet qui a provoqué un désaccord entre le Brésil et la CIDH. © Atossa Soltani

Source : ipsnews.net
PORTO ALEGRE, Brésil, 1er mars 2013 (IPS). Le mois de mars sera déterminant pour définir l'avenir du système inter-américain des droits de l'homme, qui a essuyé les critiques de nombreux pays dans la région. Les membres de l'Organisation des Etats Américains (OAS) auront jusqu'au 22 mars pour présenter des propositions afin de réformer le système judiciaire régional, créé en 1984 dans le but de promouvoir et de protéger les droits fondamentaux inscrits dans la Déclaration américaine des droits et devoirs de l'homme et dans la Déclaration universelle des droits de l'Homme.

Le système comprend deux organismes autonomes : la Commission inter-américaine des droits de l'Homme (IACHR) située à Washington D.C, et la Cour inter-américaine des droits de l'Homme située à San José au Costa Rica.

Sa fonction principale est de contrôler le respect de la Convention américaine relative aux droits de l'homme adoptée en 1969.

Le gouvernement équatorien a établi la première proposition de réforme et s'efforce également de créer un système de justice parallèle dans le cadre de l'Union des Nations Sud-américaines (UNASUR) qui ne s'est cependant pas encore concrétisé.

De son côté, le Venezuela a dénoncé la Convention américaine en septembre 2012 et se dit prêt à se retirer du système judiciaire inter-américain en septembre 2013.

Le débat sur les réformes a été lancé en juin 2011 avec la création d'un groupe de travail au sein de l'OEA. Depuis cette date, des forums, des audiences publiques et des consultations en ligne ont été organisés afin d'étudier des recommandations diverses.

Les propositions principales restreignaient le pouvoir de la CIDH à imposer des mesures de précaution (l'adoption de mesures d'urgence pour protéger les individus ou les groupes d'un préjudice irréparable), réduire l'analyse détaillée des pays comptant des violations massives des droits de l'homme, et limiter le pouvoir des rapporteurs spéciaux tel que le rapporteur pour la liberté d'expression.

La Commission a des fonctions politiques – effectuer des visites spécifiques, émettre des recommandations et publier des rapports – et quasi judiciaires : recevoir des plaintes émanant d'organisations ou de particuliers, déterminer si elles sont recevables ou non, demander des mesures de précaution par les état concernés et enfin porter des affaires devant la Cour inter-américaine.

Les fonctions de la Cour sont le traitement des litiges, la consultation et l'adoption des mesures de précaution. Ses décisions sont définitives et sans appel.

Les relations entre le Brésil et la Commission se sont détériorées en avril 2011 lorsque la CIDH a exigé comme mesure de précaution la suspension immédiate du permis pour la construction du barrage hydroélectrique de Belo Monte sur le fleuve Xingú dans la forêt tropicale amazonienne, afin de protéger la santé des communautés indigènes affectées par les travaux.

Le gouvernement brésilien a rejeté la demande. Cependant, la position brésilienne a été mal interprétée si l'on en croit la Division des droits de l'Homme du Ministère des affaires étrangères, qui a chargé un représentant de répondre aux demandes de l'IPS sous couvert d'anonymat.

Le Brésil était déjà en voie de satisfaire les exigences de la Commission en réponse aux demandes formulées par les organismes nationaux de surveillance. Selon la source diplomatique, le soutien du pays pour la réforme de la CIDH n'était déclenchée par aucune décision.

Quoi qu'il en soit, le gouvernement brésilien a retiré son ambassadeur de l'OEA ainsi que son candidat, qui devait siéger au conseil d'officiers de la CIDH. Les pays ont jusqu'au mois de mars pour nommer leurs candidats, mais selon la Division des droits de l'Homme du Ministère des affaires étrangères, le Brésil n'avait encore pris aucune décision à cet égard à la mi-février.

L'activiste Jair Krischke, dirigeant du Mouvement pour la Justice et les Droits de l'Homme (MJDH) , dont le siège est à Porto Alegre, ville du sud du Brésil, a déclaré : « Les propositions de réforme sont présentées juste au moment où la Commission et la Cour respectent leurs obligations au titre de la Convention. »

Selon Krischke, la position prise par le Brésil était entraînée non seulement par la décision sur le Belo Monte, mais également par un verdict prononcé par la Cour Inter-américaine en 2010 ordonnant d'une part la remise des dépouilles de personnes victimes de disparition forcée lors de l'action militaire de 1972-1975 contre les guérillas de l'Araguaia, et d'autre part le paiement d'indemnités aux familles des victimes.

Le gouvernement maintient qu'il a déjà versé une indemnisation mais il ne l'a pas fait pour préjudice moral, comme l'avait ordonné la Cour, a dit Krischke à l'IPS.

Lorsqu'un verdict similaire fut prononcé contre l'Uruguay, « le gouvernement, dit-il, a tenu une cérémonie au Parlement en présence du Président et a présenté ses excuses pour les disparitions forcées (commises lors de la dictature de 1973-1985). Le Brésil n'a même pas publié le jugement de la Cour. »

« Le mécontentement du gouvernement à l'égard du système inter-américain des droits de l'homme est incompréhensible. » a déclaré le professeur agrégé Deisy de Freitas Lima Ventura de l'Institut des Relations Internationales de l'Université de São Paulo.

« Quand un état souverain fait partie d'un système régional, c'est précisément pour entendre les critiques et recevoir des recommandations ou des condamnations. » a-t-elle dit à l'IPS.

Les gouvernements bolivien, colombien, équatorien, péruvien et vénézuélien sont actifs dans cette campagne parce que le système inter-américain des droits de l'homme a abordé des aspects essentiels des programmes de leurs présidents, affirme de Freitas.

« Lorsque le système inter-américain accepte comme candidat un opposant politique au Vénézuéla, ou lorsqu'il demande le respect des droits des journalistes de la presse dans un conflit avec le président équatorien, il touche à des questions qui sont d'ordre personnel pour les présidents. C'est également ce qui s'est produit avec le Belo Monte et la présidente du Brésil, Dilma Rousseff », dit-elle.

Le professeur des droits de la personne à l'Université Andine Simón Bolivar, Mario Melo, et l'avocat qui représente le peuple Sarayaku contre l'Etat équatorien dans leur affaire portée à la Cour, affirment que la position prise par l'Equateur coïncide avec les décisions inconfortables prises à propos de questions internes.

En juin 2012, la Cour a statué que le gouvernement d'Equateur avait violé les droits de cette communauté indigène, ne l'ayant pas consultée à propos de l'empiètement d'une compagnie pétrolière sur leurs territoires au début des années 2000.

« C'est un problème délicat pour le gouvernement à cause de sa politique qui consiste à étendre la frontière pétrolière jusqu'aux territoires indigènes », a déclaré Melo.

Depuis les années 1970 et 1980, la Commission fait office de forum pour les victimes d'abus qui ont épuisé les recours légaux internes ou qui font face à des délais injustifiés dans le système judiciaire national.

Camila Asano, coordinatrice de la politique étrangère pour Conectas Direitos Humanos (Conseil pour les Droits de l'Homme), une ONG dotée du statut consultatif au sein des Nations Unies, a rappelé que des questions fondamentales comme le travail forcé ou la violence sexiste devaient être traitées par la CIDH avant de devenir visibles.

Cependant le processus judiciaire est lent, ce qui fait d'ailleurs l'objet des critiques soulevées par le système judiciaire inter-américain. « Parfois nous n'avons pas le temps d'attendre une décision, et c'est pour cette raison que les mesures de précaution sont nécessaires », dit Asano.

L'Equateur veut supprimer le pouvoir de la Commission qui lui permet d'imposer des mesures de précaution, laissant cette autorité à la Cour.

Le Brésil, où la Commission a ordonné à plusieurs reprises l'adoption de mesures de précaution pour protéger les activistes, les journalistes, les travailleurs ruraux sans terre et les détenus, reconnaît la compétence de la Commission mais a proposé des changements qui rendraient les procédures plus rigoureuses et plus complexes.

Selon le représentant du Ministère des affaires étrangères, la proposition brésilienne est la suivante : la Commission devrait affiner les arguments qui justifient ses décisions dans des cas comme celui du Belo Monte, et mettre davantage l'accent sur la promotion des droits de l'homme.

« Ils ne devraient pas seulement juger et punir les violations mais plutôt développer des mesures qui empêchent qu'elles se reproduisent. » dit la source.

D'autres critiques s'avèrent plus préoccupantes, comme celles qui remettent en question la capacité de la Commission à produire des rapports annuels sur des pays qui méritent une attention particulière. Les délégués du pays prétendent que ces rapports ne devraient pas distinguer des états spécifiques mais plutôt se concentrer sur tous les membres du système de l'OEA.

Le fait que les Etats-Unis et le Canada n'aient pas ratifié la Convention américaine, ce qui contribue pourtant à financer le rapporteur spécial pour la liberté d'expression, a également agacé un certain nombre de pays.

L'une des propositions souligne que les dons ne devraient pas être réservés à un poste de rapporteur particulier.

Le Brésil exige une gestion plus transparente et demande que des ressources soient distribuées à partir du fond commun de l'OEA, sans exclure la possibilité de recevoir des dons de la part des fondations internationales et des banques de développement.

« Une part importante des améliorations proposées n'a pas été mise en œuvre à cause du manque de ressources », dit Asano. Son groupe de défense des droits de l'Homme considère que le Brésil, en tant que puissance économique, devrait servir d'exemple et augmenter ses contributions. 

Selon la source diplomatique, ce pays a apporté sa dernière contribution en 2008. Elle déclare : « En 2010, la gestion des fonds était réorientée de l'Itamaraty (le Ministère des affaires étrangères) vers le Ministère de la planification. Cette année nous avons demandé 800,000 dollars mais la demande n'a pas été approuvée à cause d'une insuffisance budgétaire. »

« Ces dernières années, nous nous sommes serré la ceinture quand il s'agissait de dépenses, et aucune contribution n'a été apportée. Je ne dirais pas que c'était pour des raisons politiques. Peut-être qu'il n'y avait vraiment pas d'argent. » a ajouté la source.

Le professeur Melo pense qu'après la fin des discussions, les réformes les plus radicales ne seront pas approuvées. « Tout le monde sait qu'affaiblir le système inter-américain ne ferait que renforcer l'utilisation autoritaire du pouvoir. » dit-il.

D'après de Freitas, « renoncer à cette dimension de contrôle, comme l'a fait le Venezuela, revient à hypothéquer l'avenir des générations futures. Evidemment, un système régional de protection des droits ne résout pas le problème, mais dans de nombreux cas cela peut mettre en lumière les abus. »


© ipsnews.net - Clarinha Glock / traduit de l'anglais par Wendy Labadie : article original

Date de l'article : 01/03/2013

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