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L’ex-dictateur du Guatemala Rios Montt reconnu coupable de génocide contre les peuples indigènes

L’ex-dictateur du Guatemala Rios Montt reconnu coupable de génocide contre les peuples indigènes

Source : Reuters
GUATEMALA CITY – L’ex-dictateur guatémaltèque Efrain Rios Montt a été reconnu coupable vendredi 10 mai 2013 de génocide et de crimes contre l’humanité durant la période la plus sanglante de la guerre civile, qui a sévi 36 ans dans le pays. Il a été condamné à 80 ans d’emprisonnement. Une sentence applaudie par les centaines de personnes ayant envahi la salle d’audience et accueillie au chant de « Justice ! » tandis que Rios Montt recevait une peine d’emprisonnement de 50 ans pour l’inculpation de génocide, majorée de 30 ans pour crimes contre l’humanité. 

C’est la première fois qu’un ancien chef de l’État est reconnu coupable de génocide dans son propre pays.

Rios Montt, âgé de 86 ans, a pris le pouvoir après un coup d’État en 1982 et a été accusé d’avoir mis en œuvre une politique de la terre brûlée, ses troupes ayant massacré des milliers de villageois indigènes suspectés d’aider les rebelles gauchistes. Il a proclamé son innocence au tribunal.

« Je me sens si heureuse. Que personne n’ait surtout pas à traverser les mêmes épreuves que moi. Ma communauté a été si malheureuse depuis ce qui s’est passé, » a déclaré Elena de Paz, originaire de l’ethnie maya Ixil, qui n’avait que deux ans quand, en 1983, des soldats attaquèrent son village, tuèrent ses parents et incendièrent sa maison.

Les procureurs ont argué que Rios Montt avait fermé les yeux tandis que les soldats avaient recours au viol, à la torture et aux incendies criminels dans la tentative d’éliminer du Guatemala les rebelles gauchistes sous sa gouvernance, de 1982 à 1983. La période la plus violente d’une guerre civile qui s'est déroulée de 1960 à 1983 aura coûté la vie à 250 000 personnes au moins.

Il a été jugé pour l’assassinat d’au moins 1 771 indiens mayas de l’ethnie Ixil, qui ne représentent qu’une fraction du nombre qui a péri pendant qu'il était au pouvoir.

La foule à l’extérieur du tribunal a chanté « Justice ! Justice ! » lorsque les verdicts de culpabilité ont été délivrés.

« Ils l’ont reconnu coupable, ils l’ont reconnu coupable. Je n’arrive pas à le croire, » a déclaré Marybel Bustamante, dont le frère a « disparu » - un euphémisme ayant pour synonyme « kidnappé et assassiné » - le jour où Rios Montt a pris le pouvoir.

L’ONG de défense des droits de l’homme Amnesty International a acclamé la nouvelle comme étant le procès de la décennie. 

 

« IL SAVAIT TOUT »

« Il savait tout ce qui se passait et il n’a rien fait pour l’arrêter, » a dit le juge qui présidait au procès, Yasmin Barrios, à la salle d’audience bondée, où des femmes mayas vêtues de vêtements et de coiffes traditionnels colorés suivaient attentivement la procédure judiciaire.

Le Prix Nobel de la Paix Rigoberta Menchu était parmi elles.

« Aujourd’hui, nous sommes heureux car pendant de nombreuses années on a dit que le génocide était un mensonge. Mais aujourd’hui, le tribunal dit que c’était la vérité, » a-t-elle dit.

Barrios a demandé une audience lundi afin de discuter des compensations pour les victimes du gouvernement de Rios Montt.

Le directeur des services de renseignements de Rios Montt, Jose Rodriguez Sanchez, était également sur le banc des accusés, mais a été acquitté de ces deux accusations.

Au cours du procès, qui a débuté le 19 mars, quasiment 100 témoins à charge ont relaté les massacres, les tortures et les viols perpétrés par les forces gouvernementales. Á un certain point, le procès a été remis en question lors d’une dispute entre deux juges pour savoir lequel devait auditionner l’affaire.

Jeudi 9 mai au tribunal, Rios Montt a nié les accusations, prétendant n’avoir jamais ordonné de génocide et arguant n’avoir eu aucun contrôle sur les opérations menées sur le champ de bataille.

« Je suis innocent, » a-t-il dit à la salle d’audience, arborant lunettes à double foyer et moustache grisonnante. « Je n’ai jamais eu l’intention d’exterminer de minorités ethniques nationales, quelles qu’elles soient. »

« Je n’ai jamais ordonné de génocide, » a-t-il ajouté, en déclarant avoir été en charge, en 1982, d’un Guatemala « défaillant », totalement en faillite et envahi de « guérilleros subversifs ».

L’ancien Président des États-Unis, Ronald Reagan, qui a apporté son soutien au gouvernement de Rios Montt, a dit fin 1982 que le dictateur était « injustement accusé » par les défenseurs des droits de l’homme au sujet de sa campagne militaire durant la Guerre Froide contre les guérilleros gauchistes.

Il a aussi qualifié Rios Montt à une occasion d'«  homme à l'intégrité exceptionnelle ».

Les avocats de la défense avaient dit ultérieurement qu’ils feraient appel si Rios Montt était reconnu coupable, arguant du manque de crédibilité des témoins à charge, qu'aucun groupe ethnique spécifique n'avait été visé pendant les 17 mois de sa gouvernance, et que la guerre avait opposé des guerriers de la même ethnie.

 

UN CONFLIT QUI DIVISE

Rios Montt est assigné à résidence depuis plus d’un an. Le parti de droite qu’il a fondé a changé de nom cette année dans le but de se distancier de son passé.

La guerre civile du Guatemala s’est terminée par des accords de paix signés en 1996, mais la nation d’Amérique Centrale demeure une société profondément divisée avec des zones indigènes dépourvues de tout.

Le Président Otto Perez, ancien général de l’armée durant la guerre civile, dit avoir fait partie d’un groupe de capitaines qui s’est opposé à Rios Montt.

Des documents des États-Unis maintenant accessibles au public datant de ces années de guerre civile laissent entendre que Perez était l’un des officiers les plus progressifs de l’armée guatémaltèque et qu’il a joué un rôle important lors du processus de paix qui s’ensuivit.

Or, Perez s’est retrouvé durant le procès impliqué dans des crimes de guerre lorsque l’un des témoins à charge a attesté que, sous le gouvernement de Rios Montt, des soldats sous son commandement avaient incendié des maisons et exécuté des civils.

Perez a argumenté que le génocide ne s’était pas produit durant la guerre, soulignant les divisions qui persistent au Guatemala au sujet du conflit et qui ont opposé des insurgés gauchistes aux gouvernements de droite successifs.

Perez, qui a pris ses fonctions en 2012, est le premier militaire à diriger le pays depuis la fin de la guerre, et son interférence éventuelle en ce qui concerne les procès liés aux droits de l’homme a inquiété les groupes qui les défendent.

Les tribunaux au Guatemala n’ont entrepris que récemment des poursuites judiciaires contre ceux ayant commis des atrocités au cours du conflit.

Ce n’est qu’en août 2011 que quatre soldats ont reçu une peine de 6 060 années d'emprisonnement pour le massacre, en 1982, de Dos Erres, un village du nord du pays, alors qu’il n’y a eu aucune condamnation pour ceux perpétrés durant la guerre.

Une juge qui présidait initialement aux audiences avant le procès a fait à nouveau porter vendredi l’ombre d’un doute sur l’affaire Rios Montt en confirmant la décision qu’elle avait annoncée le 18 avril de faire remonter la procédure à novembre 2011 et de rendre nuls et non avenus tous les développements depuis cette date.

Les procureurs ont insisté sur le fait que cette décision est illégale et se préparent à la contester judiciairement, tandis que les avocats de la défense ont affirmé qu’elle devait être appliquée et que le procès n’aurait jamais dû se poursuivre.  

- (Rédaction Simon Gardner; Editing by Kieran Murray, Peter Cooney and Paul Simao / traduit de l'anglais par Laurence Le Charpentier) -


© Reuters

Date de l'article : 11/05/2013

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