Menacée de mort parce qu’elle défend la forêt amazonienne
Laisa Santos Sampaio devant la plaque commémorative érigée sur le lieu du double assassinat des militants de la CPT, le 24 mai 2011 © Jean-Claude Gerez
Source : La Vie
Alors que s'est ouvert ce mercredi 3 avril le procès du double meurtre de militants pour la défense de l'Amazonie, à Marabaau Brésil, nous avons rencontré Laisa Santos Sampaio, membre de la Commission Pastorale de la Terre (CPT), menacée de mort elle aussi. Elle nous explique les enjeux de ce combat.
Laisa Santos Sampaio, une institutrice brésilienne de 43 ans, lutte pour la protection de la forêt amazonienne au sein de la Commission Pastorale de la terre (CPT), une institution créée en 1975 par l’aile progressiste de l’Eglise catholique brésilienne pour défendre les droits des petits paysans et des paysans sans-terre. Elle vit avec sa famille dans la réserve d’Alta-Piranheira, au cœur de l'Amazonie brésilienne, à 70 kilomètres de Maraba.
En 2011, sa sœur et son beau-frère, eux aussi militants de la CPT, ont été assassinés. Le procès des assassins présumés s’est ouvert mercredi 3 avril. Dénonçant sans relâche la déforestation illégale, Laisa Santos Sampaio est menacée de mort elle aussi. Elle s’est attirée les foudres des grands propriétaires locaux qui veulent transformer leur terres en vastes exploitations extensives de bétail. Elle doit compter aussi avec le ressentiment de nombreux petits paysans locaux qui ne respectent pas toujours l'obligation de laisser sur pied une partie de la forêt recouvrant leur lopin de terre.
Savez-vous qui vous menace ?
Difficile à dire exactement, car il y a de nombreuses personnes opposées aux valeurs et aux idées que je défends. D’un côté, il y a les gens qui coupent des arbres illégalement. De l’autre, il y a les parents des personnes qui ont commis le double assassinat et qui circulent aujourd’hui encore ici, car elles possèdent des terres tout près. Il ne se passe pas un jour sans que je croise ces personnes.
Comment vous protégez-vous au quotidien ?
Mon unique protection consiste à m’agenouiller tous les jours pour prier Dieu. Je lui demande son aide pour ma famille et moi, par exemple lorsque je sors de chez moi pour aller à l’école et que je parcours les deux kilomètres à moto avec mon compagnon car le bus de ramassage scolaire ne vient pas jusqu’ici. Mais, même avec toute la confiance que l’on peut avoir en Dieu, on sait que le Mal a beaucoup de pouvoir.
Avez-vous demandé une protection policière ?
Plusieurs fois ! La Commission Pastorale de la Terre a même sollicité directement le Secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme. Quand le double assassinat a eu lieu, les représentants du gouvernement fédéral et de l’Etat du Para sont venus et ont fait des promesses. Mais c’était un coup médiatique et rien n’a été fait.
Y a-t-il des moments où vous arrivez à trouver la paix ?
Oui, mais ça ne dure pas longtemps. En fait, je ne me sens tranquille que la nuit, lorsque je dors. Dès que je sors de la maison, j'ai peur. Je me demande si je vais revenir, ou si quelqu’un n'est pas dissimulé derrière un arbre ou dans un talus pour me tuer, comme ma sœur et mon beau-frère....
Est-ce que vous avez déjà pensé à abandonner la lutte ?
Si j'abandonnais aujourd'hui ce combat pour défendre la Création, ma vie perdrait de son sens. Une fois, ma fille m'a suppliée : « Pour l’amour de Dieu, partons d’ici ! » Je lui ai demandé ce qu'elle préférait : une mère pleine de vie qui tente de surmonter les obstacles, ou une mère morte vivante. Elle m’a dit : « Maman, continue à te battre pour la vie. » Là où est la vie, il y a l’espoir.
© La Vie / Jean-Claude Gerez : article original