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Paysans sans terre au Brésil : un procès sur fond de violences

Paysans sans terre au Brésil : un procès sur fond de violences

José Claudio Ribeiro da Silva et son épouse Maria do Espirito Santo da Silva, assassinés le 24 mai 2011 © AP/SIPA

Source : La Vie
Deux ans après l’assassinat d’un couple de militants écologistes, membres de la Commission pastorale de la Terre (CPT) et farouches défenseurs de la forêt amazonienne, le procès qui s’est ouvert le 3 avril va juger un grand propriétaire terrien, accusé d’être le mandataire des crimes et deux hommes de main. Sur fond de climat d’impunité.

La scène se passe le 24 mai 2011 à 7h30. José Claudio Ribeiro da Silva, 52 ans, et son épouse Maria do Espirito Santo da Silva, 51 ans, deux militants écologistes membres de la Commission Pastorale de la Terre (CPT), se rendent à moto à Nova Ipixuna, petite commune de l’état du Para, située au coeur de l’Amazonie brésilienne. Sur le chemin, ils tombent dans un guet-apens tendu par deux hommes armés. Le couple est assassiné de plusieurs balles de revolver.

Dès le début de l’enquête menée par la Police fédérale, les soupçons se portent sur un grand propriétaire terrien local. D’autant que le crime semble avoir été commandité. Les assassins ont en effet sectionné l’oreille droite de José Claudio Ribeiro da Silva. Comme s’il s’agissait d’un « trophée ».

Deux ans après le début de l’enquête, le procès de ce double meurtre va débuter demain au tribunal de Maraba, la capitale administrative du sud du Para. Trois hommes comparaîtront dans le box des accusés. Parmi eux, Jose Rodrigues Moreira, 43 ans, considéré comme le mandataire présumé. Ce grand propriétaire terrien de la région avait illégalement acquis un terrain de 144 hectares en 2010, à l’intérieur d’une réserve extractiviste, recouverte de forêt primaire, et où vivaient trois familles. Il aurait ensuite fait pression sur ces dernières pour qu’elles quittent ces terres. Des pratiques dénoncées par le couple. C’est donc pour les « punir » que Jose Rodrigues Moreira aurait « engagé » son propre frère, Lindonjonson Silva Rocha, 29 ans, et Alberto Lopes do Nascimento.

« Ce double meurtre n’était pas une surprise »

Laisa Santos Sampaio se souvient parfaitement de cette époque. Devant la plaque commémorative érigée sur les lieux du drame, la sœur de Maria do Espirito Santo est partagée entre une immense tristesse et une rage profonde. « Ce double meurtre n’a malheureusement pas été une surprise, car ma sœur et mon beau-frère avaient déjà reçu, dès 2007, de nombreuses menaces de mort et se savaient en danger. Ils avaient demandé une protection policière ». En vain. La cadette de Maria do Espirito Santo se souvient avoir parlé avec sa sœur la veille de sa mort. « Elle sentait qu’il allait se passer quelque chose et m’avait dit qu’elle était prête à mourir pour une lutte qu’elle estimait juste », explique celle qui a depuis repris le flambeau de la lutte pour la défense de l’environnement. Ce qui lui vaut, à elle aussi, des menaces de mort.

Trois fois plus de menaces de mort en un an

« Depuis de longues années, il règne dans cette region du Brésil un climat d’impunité, entretenu par le pouvoir politique qui ne fait pas appliquer les lois, notamment celles qui règlementent la déforestation, dénonce José Batista Gonçalves, avocat de la Commission Pastorale de la Terre (CPT), une institution liée à la Conférence Nationale des Evêques du Brésil (CNBB) qui soutient les travailleurs ruraux. Et la situation empire chaque année. » Pour preuve, les 347 menaces de mort reçues, en 2011, par des militants de la CPT. Soit le triple par rapport à l’année précédente. Des hommes et des femmes qui ne bénéficient, pour la grande majorité d’entre eux, d’aucune protection policière. « Beaucoup fuient à cause des menaces qui pèsent sur eux, précise Jose Batista. Cela constitue un préjudice important pour l’organisation des mouvements sociaux, mais surtout une victoire pour celui qui menace. »

Un procès emblématique

Frère Henri Burin des Roziers, dominicain français installé depuis plus de 40 ans dans la région, lui, n’a jamais cédé aux très nombreuses menaces dont il a été l’objet. Et l’ancien avocat, aujourd’hui octogénaire, continue à lutter pour la reconnaissance des droits des petits paysans et des paysans sans terre et pour la défense de l’environnement. « Ce procès (auquel il assistera) est emblématique à plusieurs titres, souligne à ce propos Frère Henri. Non seulement il est très important pour la mémoire de ces deux militants assassinés, mais aussi parce qu’il symbolise la lutte contre la déforestation qui menace toujours la region. » Un sentiment partagé par de nombreux acteurs de la société civile brésilienne et internationale (Amnesty International ou la Fondation pour le Prix Nobel Alternatif) qui assisteront au procès.


© La Vie - Jean-Claude Gerez : article original

Date de l'article : 03/04/2013

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