Ordonnance 303 : des routes fédérales bloquées par des indigènes au Mato Grosso
Source : CIMI
Des indigènes de 18 éthnies du Mato Grosso bloquent depuis le lundi 27 août les routes fédérales 364 et 174. Avec des pneus et des arbres, ils ont fermé le traffic en protestation contre l’ordonnance 303. Ces barrages routiers se situent près des municipalités de Comodoro et de la capitale de l’état, Cuiabá.
Par lettre, les peuples indigènes ont sollicité à la présidente de la république, Dilma Rousseff, aux ministres du Supremo Tribunal Federal (STF – instance supérieur de la justice brésilienne – NDT) et à l’avocat général de l’union (AGU) Luiz Inácio Adams la révocation de l’ordonnance 303. Selon cette lettre, l’ordonnance est contraire à l’article 231 de la constitution fédérale, à la convention 169 de l’Organisation Internationale du travail (OIT) et à la Déclaration des Droits des Peuples Indigènes de l’Organisation des Nations Unies (ONU).
Des représentant de l’AGU, du ministère de la justice et de la Fondation Nationale de l’Indien (Funai) se sont réunis ce mardi 28 août, à Brasilia, pour discuter de la situation des barrages routiers et de l’ordonnance 303, qui, si elle n’est pas révoquée, entrera en vigueur à partir du 16 septembre.
Ce lundi, sur la BR-364, à la hauteur de la municipalité de Serra de São Vicente, un accès à la capitale Cuiabá, les peuples Haliti Paresi, Bororo, Umutina, Nambikwara, Chiquitano, Manoki, Bakairi et Mỹky ont entrepris de bloquer la route vers 4 heures du matin. Sur la BR-174, dans la région de Comodoro, à la frontière avec l’état de Rondonia, à 644 km de Cuiabá, les peuples Nambikwara, Rikbbaktsa, Cinta-Larga, Arara et Enawenê Nawê ont bloqué la route vers 3 heures du matin.
Approximativement 700 indigènes sont sur ces routes. « Nous exigeons la révocation de l’ordonnance 303, ainsi que de la PEC 215 (Proposition d’Amendement Constitutionel qui transfèrerait au Congrès National la compétence d’approuver la démarcation des terres indigènes) et le décret de restructuration de la Funai, mais notre cible principale est l’ordonnance 303 car elle est une atteinte aux droits des peuples indigènes » affirme Sônia Haliti Paresi.
Les embouteillages ont déjà plus de 40 km. Seuls les ambulances et les véhicules officiels sont autorisés à circuler sur ces tronçons. L’expectative est que les mobilisations s’intensifient et les barrages routiers n’ont pas de prévisions de fin.
« Nous attendons une réponse concrète de Brasilia et espérons que le gouvernement révoque l’ordonnance pour que nous puissions libérer la route. Nous savons que cela rend le traffic difficile, mais si nous ne nous mobilisons pas, ce sera bien pire » explique Tadeu Nambikwara.
Qu’est-ce que l’ordonnance 303
L’ordonnance 303 prétend étendre à toutes les terres indigènes les décisions du Supremo Tribunal Federal (STF) lors de l’action judiciaire contre la Terre Indigène Raposa Serra do Sol. Mais la décision n’a pas encore été jugée et peut être modifiée voire annulée.
Face à l’anticonstitutionalité flagrante, des juristes et des secteurs du propre gouvernement fédéral se sont levés contre cette ordonnance. Lors de la publication de l’ordonnance, la présidente de la Funai a avoué subir des pressions.
Cette ordonnance 303 détermine, entre autres mesures, que les Terres Indigènes peuvent être occupées par des unités, des postes ou autres installations militaires, des reseaux routiers, des projets hydro-électriques et miniers d’ordre stratégique, sans que les populations indigènes ne soient consultées. Par un simple instrument, l’AGU détruit le droit constitutionel indigène de l’usufruit exclusif des terres traditionnellement occupées.
Cela déconsidère aussi la Convention 169 de l’OIT, de laquelle le Brésil est signataire depuis 2004. Enfin, la mesure publiée par l’AGU détermine la révision des démarcations en cours ou déjà effectuées si elles ne sont en accord avec ce que le STF a décidé pour le cas de la Terre Indigène Raposa Serra do Sol. Selon les représentants indigènes, une telle mesure cherche à approfondir la fausse et injuste compréhension que les peuples indigènes et les terres qu’ils habitent sont des entraves au « développement ».
© CIMI / traduction : Chico Libri