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Ruth Buendia, héraut des indigènes

Ruth Buendia, héraut des indigènes

© Daniel Silva Yoshisato.

Source : Secours Catholique
Au fil d’un parcours atypique, Ruth Buendia a voué sa vie à la défense de son peuple, les Ashaninkas. Soutenue par le Centre amazonien d’anthropologie et d’application pratique (CAAAP), partenaire du Secours Catholique au Pérou, elle mène son combat avec persévérance.

Une légère brise souffle dans les arbres tandis que sur le fleuve Ene, des enfants jouent sur un radeau de fortune. À l’entrée du village de Chiquireni, Ruth Buendia prend enfin le temps de se reposer.

Elle est partie avant l’aube de Satipo, à l’est de Lima, dans l’Amazonie péruvienne, et a passé sa journée à voguer entre les communautés villageoises à bord d’une longue embarcation.

Elle apportait de l’engrais pour les cultures, en profitant pour saluer les enfants et échanger avec les habitants. « D’une communauté à l’autre, les Ashaninkas ne sont qu’une seule et grande famille. J’ai des cousins, neveux, amis, partout… », dit-elle, le regard tourné vers le fleuve.

Victoire

C’est à quelques kilomètres de là que son épopée a débuté : à Pakitzapango, un site choisi par l’État péruvien pour construire une centrale hydro-électrique.

À la tête de la Care (Central Ashaninka del Rio Ene) - une organisation qui représente et défend les habitants d’une trentaine de villages dans des domaines allant de l’éducation à la défense du territoire, en passant par l’économie et la culture - Ruth se trouve en première ligne dans le combat qui s’engage alors.

Face à l’État péruvien, elle mobilise la communauté et parvient à faire suspendre le projet de centrale qui aurait provoqué le déplacement de milliers de villageois. Une victoire qui lui vaut, aujourd’hui, le respect de tous.

Pourtant, quelques années plus tôt, en 2005, rien ne laissait présager cette reconnaissance unanime. « Mon élection à la tête de la Care a été très compliquée. Jamais une femme n’avait occupé ce poste et les hommes considéraient que je n’y étais pas apte. »

Soutenue par les femmes de la communauté, elle s’impose finalement. Depuis, elle a été réélue une première fois, puis confirmée à son poste sans même qu’un vote soit nécessaire. Tous jugent ses compétences indispensables à la survie de leur peuple. Un paradoxe pour une femme au cheminement atypique au sein de la communauté.

Orpheline de père à 13 ans

Pour les Ashaninkas, leur vie entière est fortement liée à l’appartenance à la communauté. Rares sont ceux qui s’en éloignent, bien plus encore chez les femmes.

L’« héroïne de l’environnement », récompensée par le prix Goldman en 2014 (véritable prix Nobel de l’environnement), ne vit plus parmi les siens depuis longtemps. C’est à Satipo, où se trouve le siège de l’organisation, qu’elle s’est établie. « C’est là, ou à Lima, que je suis le plus utile pour défendre mon peuple. C’est là que je rencontre les personnes qu’il faut… »

Née en 1980 dans la communauté de Cutivireni, elle n’y a vécu que les premières années de sa vie. À l’âge de 13 ans, alors que la région subit l’influence du mouvement terroriste le Sentier lumineux, son père est assassiné. Par qui ? Pourquoi ? D’une personne à l’autre, les versions divergent.

Ruth n’aime pas en parler. Lorsqu’on insiste un peu, on découvre en elle une forte détermination. « Nous avons fui, affamés, dans la forêt. J’ai fini par porter ma mère sur mes épaules pour rejoindre une base militaire. On savait que soit on nous y accueillerait, soit on nous tuerait… » Quelques semaines plus tard, elle se retrouve à Lima, la capitale du pays, pour s’occuper des enfants d’une famille aisée.

C’est âgée d’une vingtaine d’années qu’elle revient enfin à Satipo. Là, une rencontre va changer le cours de sa vie. Guillermo Nacos, un dirigeant Ashaninka très respecté, lui fait découvrir les organisations indigènes.

Présentes dans toute l’Amazonie, elles défendent avec plus ou moins de succès les intérêts des communautés. Un combat qu’elle décide de faire sien.

Grâce aux formations qu’elle reçoit au CAAAP (Centre amazonien d’anthropologie et d’application pratique), Ruth ajoute à son talent oratoire remarquable les compétences et connaissances indispensables pour faire valoir les droits de son peuple : droits des indigènes, gestion des ressources, développement, préservation de la culture… tout en veillant malgré tout à ne pas perdre le contact avec les siens.

Le lendemain, alors que le jour se lève sur Chiquireni, les membres de la communauté se rassemblent autour de Ruth et l’interrogent à propos des derniers développements du « lot 108 », une concession minière octroyée sans les consulter et le dernier épisode du combat qu’elle mène sur tous les fronts. Médias, tribunaux, ministères...

Sur le chemin du retour, à bord de son embarcation, accoudée au bastingage, elle se sent presque lasse. Son combat ne cessera jamais. « Les choses ne changeront pas de mon vivant. Mais j’ai espoir pour les prochaines générations. Je ne veux pas qu’elles se disent que nous les avons sacrifiées. »

Pour aller plus loin :

Les nombreux ouvrages et films de Jéromine Pasteur. L’exploratrice française a passé plusieurs années de sa vie dans une communauté ashaninka au Pérou.

  • À lire, en particulier ses romans  : Chaveta, Livre de poche, 1990, Selva sauvage, éd. Filippacchi, (1989) ou encore Ashaninkas, éditions Fixot, 1994.
  • À voir : son film documentaire « Qui es-tu Ashaninka ? », 52 min, Gédéon Programmes / France 5 / Voyage, 2006 : Après 20 ans de séjours dans la forêt amazonienne du Pérou, Jéromine Pasteur est considérée comme l’une des leurs par les Indiens Ashaninka de la Cordillère de Vilcabamba. Elle fait partager l’incroyable existence de son clan qui survit depuis des millénaires au coeur de l’Amazonie et dénonce les menaces qui pèsent sur eux.


© Secours Catholique / lien vers l'article original

Date de l'article : 11/08/2015

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