Cher M. Joe Kaeser, Veuillez trouver ci-joint un aperçu des violations des droits humains liées à la planification, les autorisations et la mise en œuvre du méga-barrage de Belo Monte. Ce barrage étant actuellement en construction sur le fleuve Xingu situé dans la forêt amazonienne du Brésil, et dans lequel la compagnie Siemens est impliquée avec Voith-Hydro, Andritz ainsi que Alstom en tant que fournisseur de turbine. Les peuples indigènes et riverains de la Grande Boucle du Xingu ne vous ont jamais rencontré. Vous ne savez même pas qui sont ces gens. Ils auraient pourtant beaucoup de choses à vous dire sur ce projet qui impacte radicalement leurs conditions d'existence : Le détournement de 80 % des eaux du fleuve Xingu entraîne déjà une diminution massive de la biodiversité et une altération de la qualité de l'eau qui baigne leurs lieux d'habitation. Cette transformation est dramatique à plus d'un titre puisque ces peuples tirent leur alimentation, et notamment leurs ressources en protéines de ce fleuve dans lequel ils pêchent le poisson. Comme le disait le Cacique Raoni, chef Kayapo respecté dans le monde entier, dans sa lettre de soutien au peuple Mundukuru : « Ces rivières sont le sang qui coule dans nos veines, sans elles la terre et les animaux mourront et nous aussi ». Le District Spécial de Santé Indigène a constaté qu’en 2012, alors que les travaux venaient à peine de commencer, 92,2 % des enfants indiens de moins de 5 ans souffraient de diarrhées aiguës. Aussi, les cas de parasites intestinaux ont augmentés de 244 % entre 2011 et 2013. En plus de mettre en péril la sécurité alimentaire des populations locales, le barrage crée d'immenses réceptacles d'eau stagnante qui, dans une zone tropicale, vont voir proliférer les moustiques porteurs de la malaria. La vie deviendra donc purement et simplement impossible dans la région. Ce scandale sanitaire est la conséquence d’une licence environnementale délivrée en totale illégalité. Le chantier de Belo Monte n’aurait jamais dû démarrer en l’état. Helena Palmquist, porte-parole du ministère public fédéral (MPF) dans l'État septentrional de Para au Brésil, a déclaré que Belo Monte était « une attaque à la Constitution brésilienne » lors de sa visite à Munich, le 25 avril 2013. Dans sa déclaration, Mme Palmquist fait référence à une multitude de violations des droits humains engendrés par l’autorisation et la construction du barrage Belo Monte. Dans le document joint, il est exposé la façon dont le projet Belo Monte bafoue la Constitution brésilienne ainsi que les conventions internationales des droits de l’homme qui ont été ratifiées par le Brésil, telles que la Convention n°169 de l’Organisation internationales du travail (OIT), la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), la Convention américaine relative aux droits de l'homme (CADH) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Le statut juridique douteux du projet Belo Monte est démontré par les 22 poursuites judiciaires auxquelles il est soumis (en 2014), lesquelles ont été déposées par le MPF. Dans leurs poursuites, les procureurs du MPF réclament que la construction du barrage soit interrompue, suite à de nombreuses violations des droits de l’homme. La section suivante spécifie les atteintes aux droits de l’homme passées et actuelles, résultant de la construction du barrage Belo Monte. Le but de ce document joint est d’exposer la façon dont le projet de barrage hydroélectrique Belo Monte, autorisé par le gouvernement brésilien, est en train de porter atteinte à plusieurs droits humains. Les entreprises directement impliquées dans ce projet, telles que Voith-Siemens, ne peuvent pas se servir de la transgression des lois soutenant les droits mentionnés plus haut par que le gouvernement brésilien, comme une excuse pour se soustraire à leurs propres responsabilités de faire respecter ces droits. Le simple fait que les prestataires de Belo Monte mettent en place des programmes de compensation sociale et environnementale prouve qu’il est admis que les populations locales sont affectées. Vous admettrez, si vous faites preuve de décence, que les indigènes ne peuvent être compensés pour la perte de leurs terres puisqu'elles font partie intégrante de leurs pratiques sociales, productives et spirituelles. Inonder ou rendre inhabitable la terre traditionnelle d’un peuple indigène, c'est anéantir son identité et ses perspectives de vie. Et toutes les baraques faites de béton et de taule dans les villes nouvelles n'y changeront rien. Permettez-moi une fois encore de citer le cacique Raoni : « Un indien est riche de sa culture. En ville, l'indien n'est plus personne, il est plus pauvre que le pauvre. (…) Ces programmes de compensation sont une insulte. Tout l'argent du monde ne suffirait pas à combler la dette que ceux qui veulent construire ces barrages par la force contractent auprès des peuples indigènes. » Selon les principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, les entreprises ont la responsabilité de respecter et d’assurer un maintien des droits de l’homme partout où elles opèrent. Les directives de l’ONU définissent ce qu’est un comportement responsable, de sorte que les entreprises doivent faire preuve de diligence raisonnable en matière de droits de l’homme et doivent développer des marches à suivre pour détecter, prévenir et atténuer les impacts négatifs que peuvent occasionner leurs activités commerciales et celles de leurs partenaires commerciaux. Jusqu’à maintenant, Voith-Siemens n’a pas rempli ces obligations bien que l’entreprise soit impliquée dans le projet du barrage Belo Monte. Les directives de l’ONU stipulent également que des consultations préalables avec les populations susceptibles d’être touchées par un éventuel projet sont la responsabilité du gouvernement et aussi des entreprises impliquées. Le fait de ne pas mettre en œuvre le processus de consultation prévu par la loi dans le cas de Belo Monte n’est donc pas seulement la responsabilité des autorités brésiliennes, mais aussi celle des entreprises participantes telles que Voith-Siemens. Compte tenu des considérations qui précèdent et présumant de votre bonne foi quant à la méconnaissance des violations et irrégularités énumérées, nous, citoyens européens, concluons que l'entreprise, maintenant qu’elle est informée, doit prendre les mesures urgentes suivantes : 1. Geler immédiatement la livraison de toute pièce de fabrication Voith-Siemens pour le chantier du barrage de Belo Monte, tant que le chantier se poursuit en violation des droits des peuples affectés. 2. Créer une commission indépendante dirigée par une équipe interdisciplinaire de spécialistes, au sujet des violations des droits humains liées à la planification et la mise en oeuvre du méga-barrage Belo Monte. La commission, devant être complétée dans une période de 6 à 8 mois, devra évaluer le degré de responsabilité du gouvernement et des divers secteurs privés impliqués ; incluant Voith-Siemens, à la lumière des principes directeurs de l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme. La commission indépendante devra aussi présenter des recommandations concrètes et efficaces abordant les droits humains qui ont été bafoués depuis la mise en œuvre du projet. La mise en œuvre d’une commission indépendante devra inclure des consultations adéquates avec les communautés touchées et des organismes brésiliens impliqués dans le respect des droits de l’homme ainsi que des organismes environnementaux. 3. Présenter les résultats de la commission indépendante au conseil d'administration pour délibérer sur les mesures concrètes à prendre dans le cas de Belo Monte, y compris l’indemnisation éventuelle des dommages causés aux habitants locaux à la suite de la négligence démontrée de la part de l’entreprise. De plus, nous proposons que les leçons tirées de l’affaire Belo Monte soient appliquées aux futures activités commerciales, en terme de : 1. création d’une procédure qui assurera que les décisions de gestion relatives à la participation à des projets seront guidées selon une analyse préalable objective, exhaustive et transparente des risques socio-environnementaux, incluant la conformité aux lois sur les droits humains et environnementaux ; que l’approbation de ce projet soit conditionnelle au fait d’obtenir des preuves nettes que les normes nationales et internationales des droits de l'homme et les meilleures pratiques ont été, et seront, effectivement maintenues, y compris le respect des normes fondées sur les standards entérinés par la Commission mondiale des barrages (CMB) ; 2. création d'une procédure de plainte accessible aux communautés locales menacées et/ou affectées dans les zones du projet, concernant les violations des droits de l'homme, conformément à l'article 22 des Principes directeurs l’ONU relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme ; 3. l’engagement des entreprises à exclure à l’avenir de leur portefeuille d’activités, tout projet qui exposerait des irrégularités concernant les droits humains. En plus d'être un crime contre les populations de la boucle du Xingu et contre l'environnement, Belo Monte est un crime contre les générations futures. Nous, citoyens européens, avons le devoir de dénoncer la complicité de nos entreprises. En cette année du sommet mondial pour le changement climatique à Paris, nous mettrons tout en œuvre pour vous inciter à faire preuve de responsabilité. La rentabilité économique ne peut en aucun cas justifier des dommages collatéraux irréversibles et préjudiciables sur des écosystèmes uniques, précieux pour la planète entière et donc pour l'humanité dans sa totalité. Merci de votre considération.